En cette heure suprême, il se rappelait les moindres liens de foi qui le retenaient à une vie plus sublime. Il se souvenait de toutes les prières favorites de son enfance. Il faisait son possible pour fixer dans sa rétine le tableau de la mort de son père exécuté et incompris.
Intérieurement, il répétait le Psaume 23 de David, comme il le faisait avec sa sœur, dans les situations qui semblaient insurmontables. « Le Seigneur est mon berger. Je ne manquerai de rien... » Les expressions des Écrits sacrés, comme les promesses du Christ de l'Évangile, étaient au fond de son cœur. Son corps se cassait dans la tourmente, mais son esprit était tranquille et plein d'espoirs.
Maintenant, il avait l'impression que deux mains caressantes passaient légèrement sur ses plaies douloureuses, lui apportant une douce sensation de soulagement. Sans la moindre crainte, il perçut que la sueur de l'agonie était là.
Des amis dévoués venus du plan spirituel entouraient le martyr à la minute suprême. Au summum de ses douleurs physiques, comme s'il était transposé dans des abîmes infinis de perception, le jeune homme de Corinthe a remarqué que quelque chose s'était brisée dans son âme inquiète. Ses yeux semblaient plongés dans des tableaux glorieux émanés d'une autre vie. La légion d'émissaires de Jésus qui l'entourait affectueusement, ressemblait à une cour céleste. Sur le chemin de lumière qui s'ouvrait devant lui, il remarqua que quelqu'un approchait ouvrant ses bras généreux. Aux descriptions faites par Pierre, il réalisa qu'il dévisageait le Maître lui-même dans toute la splendeur de ses gloires divines. Saûl remarqua que les yeux du condamné étaient statiques et fulgurants. C'est alors que le héros chrétien, bougeant ses lèvres, s'exclama à voix haute :
- Voua que je vois les cieux ouverts et le Christ ressuscité dans la grandeur de Dieu !...
C'est alors que deux jeunes femmes s'approchèrent du persécuteur avec des gestes intimes. Dalila livra Abigail à son frère, s'éloignant bientôt pour répondre à l'appel d'un autre ami. La tendre fiancée portait une tunique à la mode grecque qui rehaussait la beauté de son visage. Était-ce en raison de la pénible scène en cours ou la présence de sa bien-aimée, mais on pouvait percevoir que Saûl était un peu gêné et ému. On aurait dit que le courage Indomptable d'Etienne l'avait amené à considérer la tranquillité inconnue qui régnait dans l'esprit du martyr.
Face au tumulte qui l'entourait et remarquant la misérable situation de la victime, la jeune fille ne put contenir un cri de stupeur. Qui était cet homme attaché au poteau de torture? Cette poitrine palpitante pleine de sang, ces cheveux, ce visage pâle qu'une barbe défigurait, ne serait-ce pas son frère ? Ah ! Comment exprimer les immenses angoisses provoquées par l'imprévisible surprise d'une telle heure ? Abigail tremblait. Ses yeux angoissés accompagnaient les moindres mouvements du héros qui semblait indifférent plongé dans l'extase qui l'absorbait. En vain, Saûl attirait discrètement son attention afin de lui épargner des sensations plus pénibles. La jeune femme semblait ne rien voir d'autre que le condamné se noyer dans le sang du martyre. Elle se souvenait maintenant... En s'éloignant de la prison, après la mort de leur père, c'était bien ainsi qu'elle avait laissé Jeziel dans la même position de supplice. L'exécrable poteau, les chaînes impitoyables et son pauvre frère agenouillé ! Elle aurait voulu se lancer au devant des bourreaux, éclaircir la situation, connaître l'identité de cet homme.
À cet instant, ignorant être la cible d'une attention aussi singulière, le prédicateur du «Chemin» est sorti de son impressionnante immobilité. Voyant que Jésus dévisageait mélancoliquement la figure du docteur de Tarse, comme s'il déplorait ses terribles erreurs, le disciple de Simon a ressenti pour son bourreau une amitié sincère dans son coeur. Il connaissait le Christ et Saûl non. Plein d'un sentiment de profonde fraternité et voulant défendre son persécuteur, il s'exclama d'une manière impressionnante :
Seigneur, ne leur imputez pas ce péché !...