Читаем Переписка 1992–2004 полностью

«Je crois que je vois, encore mieux qu’à Meßkirch, l’extraordinaire difficulté de “Die Frage nach der Technik”. Car il s’agit de la question des questions, qui par‑delà Aristote, remonte jusqu’à Héraclite, insofern das Unaufhaltsame des Wesens der Technik dem Geheimnis selbst, dem kruvtesqai der fuvsi", dem verborgenen “Daß” entspricht, durch das die ganze Lichtungsgeschichte des Seyns getragen ist.»

Que se passe‑t — il avec ce changement de langue? Il n’est pas superflu de poser la question, d’autant moins que par là — avant même de nous mettre à traduire de ce qu’écrit Jean Beaufret — nous avons occasion de préciser le sens du questionnement. Il est bon, en effet, lorsque nous questionnons, de nous demander si nous questionnons sur… ou bien si nous questionnons après.?

Pourquoi Jean Beaufret passe‑t — il du français à l’allemand? N’est‑ce pas justement parce qu’il entreprend de questionner dans le sens que nous cherchons à mettre en évidence — c’est—à-dire non pas à propos de quelque chose qui serait là sous nos yeux, mais vers ce qui non seulement n’est pas là, mais ne cesse de se dérober — selon une échappée dont l’emportement seul peut frayer le passage à une approche?

La question de la technique, dit‑il, est “la question des questions”. Entendre cette formulation suivant la pente habituelle de nos compréhensions, fait simplement passer à côté de ce qu’il s’agit de penser. Car la question de la technique n’est pas Ja question auprès de laquelle toutes les autres feraient pâle figure. C’est la question des questions au sens où, en elle, viennent se résumer toutes les autres questions, dans la mesure précise où elles sont bien autre chose que des demandes d’information; c’est la question en laquelle toutes les questions philosophiques trouvent en quelque sorte leur figure emblématique.

Tâchons de voir cela le plus directement possible, c’est—à-dire au moment du changement de langue. En se mettant à écrire en allemand, Jean Beaufret introduit une rupture dont l’indication est aussi abrupte que claire. Le mot de cette rupture se trouve être la conjonction “insofern” — où s’entend le mot “fern” (“far”, *per. pevra. pro, c’est—à-dire les vecteurs les plus constants, dans nos langues, des tensions vers l’extrême lointain). Nous y reviendrons; mais pour le faire comme il faut, voyons d’abord quel est le cours de cette phrase qui, je le rappelle, commence en français.

La question de la technique, s’explique à lui‑même Jean Beaufret lisant et relisant la conférence “Die Frage nach der Technik”, est une question éminemment philosophique (et donc nullement un problème, susceptible d’être résolu anthropologiquement, sociologiquement, bref à l’aune de la science). En tant que question philosophique, cette question — où l’on est après à questionner la technique — renvoie d’abord à Aristote. Pourquoi cela? Parce que c’est lui qui définit [en 1439 b 15 de l’Éthique à Nicomaque], là où nous distinguons “art” et “artisanat”, l’unique visage de maîtrise que les Grecs nomment indifféremment: tevcnh. Il la définit comme la première modalité d’avérer, de “produire hors du retrait” — d’ajlhqeuvein comme écrit en toutes lettres Aristote. Par là, est dégagée la caractéristique formelle de toute technique: à savoir qu’elle a fondamentalement à voir avec l’histoire philosophique de la “vérité”, laquelle commence avec l’ajlhvqeia, telle que le monde hellénique en a fait à jamais nommément l’expérience.

Ici, ce que je ne faisais qu’indiquer en commençant trouve sa mise au clair: la technique a bien un commencement historique — au sens le plus fort du terme, qu’il est commode de marquer par le mot “historial” (dans l’acception précise où s’y entend que par ce type de commencement‑là, c’est toute une humanité qui devient par le fait partie prenante d’une destinée, laquelle se révèle adressée à ceux qui en seront expressément les destinataires, c’est—à-dire ceux qui auront à en porter la responsabilité). Avant ce commencement, il n’y a pas, à proprement parler de possibilité pour qu’apparaisse une “technique” dans l’acception stricte du terme. Pour qu’apparaisse une “technique”, il faut en effet qu’il y ait eu d’abord explicitation de la tevcnh — c’est—à-dire phénoménologie de ce qui rend possible toute fabrication humaine.

Перейти на страницу:

Все книги серии Тетрадки Gefter.Ru

Нет соединения с сервером, попробуйте зайти чуть позже