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Il est vrai également que j’ai des problèmes avec ma peau, parce que ce n’est pas la mienne : je l’ai reçue en héritage. J’en ai été enveloppé par voix génétiques, avec soin, préméditation et accusé levez-vous, surtout la nuit, vers quatre heures, quand le taux de sucre dans mon sang est, parait-il, à son plus bas, et ça hurle de terreur, là-dedans.

J’ignore à quel moment ont commencé les « signes cliniques » d’appartenance, mes « symptômes », comme ils disent. Je ne sais plus de quel massacre précis il s’agissait, mais je m’étais soudain senti entouré d’index pointeurs, en proie à une visibilité inouïe. C’est lui, saisissez-le. Je me découvrais planétaire, d’une responsabilité illimitée. C’est d’ailleurs pourquoi les psychiatres m’ont déclaré irresponsable. À partir du moment où vous vous sentez un persécuteur d’un bout du monde à l’autre, vous êtes diagnostiqué comme un persécuté.

J’ai tout essayé pour me fuir. J’ai même commencé à apprendre le swahili, parce que ça devait quand même être très loin de moi. J’ai étudié, je me suis donné beaucoup de mal, mais pour rien, car même en swahili, je me comprenais, et c’était l’appartenance.

J’ai alors tâté du hongro-finnois, j’étais sûr de ne pas tomber sur un Hongro-Finnois à Cahors et de me retrouver ainsi nez à nez avec moi-même. Mais je ne me sentais pas en sécurité : l’idée qu’il y avait peut-être des engendrés qui parlaient le hongro-finnois, même dans le Lot, me donnait des inquiétudes. Comme on serait seuls à parler cette langue, on risquait, sous le coup de l’émotion, de tomber dans les bras l’un de l’autre et de se parler à cœur ouvert. On échangerait des flagrants délits et après, ce serait l’attaque du fourgon postal. Je dis « l’attaque du fourgon postal », parce que ça n’a aucun rapport avec le contexte et il y a là une chance à ne pas manquer. Je ne veux aucun rapport avec le contexte.

Et cependant je continue à chercher quelqu’un qui ne me comprendrait pas et que je ne comprendrais pas, car j’ai un besoin effrayant de fraternité.

J’ai eu pour la première fois des hallucinations à l’âge de seize ans. Je m’étais soudain vu cerné par des vagues hurlantes de réalité et agressé par elle de tous les côtés. J’étais très jeune, je ne connaissais rien à la psychiatrie, et quand je voyais sur mon écran les images du Viêtnam, les gosses aux ventres gonflés par la mort qui crevaient en Afrique ou les cadavres militaires qui me sautaient dessus, je croyais sincèrement que j’étais dingue et que j’avais des hallucinations. C’est ainsi que je me suis mis peu à peu à élaborer, sans même le savoir, mon système de défense, qui me permet de chercher refuge dans divers établissements hospitaliers.

Ce n’est pas venu d’un seul coup et ce fut le résultat d’un long travail.

Je ne me suis pas fait moi-même. Il y a l’hérédité papa-maman, l’alcoolisme, la sclérose cérébrale, et un peu plus haut, la tuberculose et le diabète. Mais il faut remonter beaucoup plus loin, car c’est à la source originelle que l’on trouve le vrai sans-nom.

Dès la sortie de mon premier ouvrage d’affabulation, on a commencé à remarquer que je n’existais pas vraiment et que j’étais sans doute fictif. On a même supposé que j’étais un ouvrage collectif.

C’est exact. Je suis une œuvre collective, avec ou sans préméditation, je ne puis encore vous le dire. À première vue, je ne me crois pas assez de talent pour imaginer qu’il pût y avoir préméditation syphilitique ou du même genre, uniquement pour me soutirer quelque œuvrette littéraire.

C’est possible, vu qu’il n’y a pas de petits bénéfices, mais je ne saurais me prononcer là-dessus.

« Écrit sous le pseudonyme d’Ajar, Ajar voulant dire laissé ouvert en anglais, aveu d’une vulnérabilité masochiste, sans doute délibérément cultivée comme source féconde d’inspiration littéraire. »

C’est faux. Bande de salauds. J’ai écrit mes livres de clinique en clinique, sur conseils des médecins eux-mêmes. C’est thérapeutique, disent-ils. Ils m’avaient d’abord conseillé la peinture, mais ça n’a rien donné.

Je savais que j’étais fictif et j’ai donc pensé que j’étais peut-être doué pour la fiction.

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