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Je pourrais vous parler de lui pendant des heures, parce que c’est d’une drôlerie. Il se prend pour mon père et s’imagine que j’éprouve à son égard des ressentiments de fils, alors que c’est à mourir de rire. Je pourrais donc vous dire que Tonton Macoute et moi, on n’a rien de commun, il n’est que le cousin de ma mère, il n’y a pas hérédité. D’ailleurs, chez lui, ce n’est pas fameux non plus : le diabète et le cancer, et un degré au-dessus, la tuberculose, et le reste au four crématoire, vous pensez bien que je n’irais pas me fourrer là-dedans. On m’a quand même traité à l’insuline, une fois, à l’hôpital de Cahors. Mais ça ne prouve rien et mon avocat m’a dit que ça ne servirait à rien, comme preuve, si j’entamais contre lui des recherches en paternité.

Il faut continuer à chercher au lieu de calomnier Pinochet et tout le reste. Il faut entamer des poursuites génétiques pour remonter au vrai coupable. C’est ce qu’on appelle les sources de la vie. La vie, je la respecte, parce que la police m’a toujours fait peur.

Tonton Macoute m’a donc envoyé à la clinique du docteur Christianssen, à ses frais. Trois cents kroner par jour, pour se débarrasser de moi.

Quand je le regarde dans les yeux – il en a six paires, mais j’arrive parfois à en coincer une – je vois bien ce qui se passe. Il s’imagine qu’il m’a laissé dans le besoin, et que je suis à la recherche du Père, pour le punir.

Alors le Danemark, à n’importe quel prix.

Ici, je suis quand même obligé de vous faire part de mes soupçons. Vous expliquer pourquoi c’est la haine, entre nous, en dépit de l’affection qui nous unit.

Tonton Macoute ne m’a jamais caché qu’il avait beaucoup aimé ma mère, malgré les liens de sang qui les unissaient. Je suis à peu près certain qu’ils ont couché ensemble, pour me rendre furieux et que j’en subis les conséquences. Cela expliquerait tout. Cela expliquerait donc aussi pourquoi je ressemble un peu à Tonton Macoute, pas physiquement, parce que là il avait pris ses précautions, mais moralement. Car si je suis dévoré par un tel besoin d’Auteur, c’est que je suis le fils d’un homme qui m’a laissé toute ma vie en état de manque. Il ne faut pas oublier que Tonton Macoute, quand il était jeune, s’était fait tuer à la guerre, mais après, il s’est arrangé.

Je me sentais donc souvent tel père tel fils et ça me mettait hors de moi, au figuré : au propre, c’est impossible. On ne sort pas vivant de notre crasse biologique.

Je lui en ai touché une fois, et il a failli s’étrangler.

— Tu es complètement fou. J’aimais ta mère comme une sœur.

— C’est encore plus incestueux, comme dégueulasse.

— Tu n’es pas mon fils ! C’est une ignoble calomnie !

Ce n’était pas très gentil, il me péjorait. S’il se sentait insulté lorsque je lui disais que j’étais son fils, c’est que vraiment, je n’étais pas flatteur.

— Ta mère était une sainte !

Oui, mais je le connais. Il est vicelard comme pas un. Se taper une sainte, ça devait être le rêve de sa vie. Qu’elle garde son auréole et ses vêtements de religieuse et en levrette, allons-y. Il est vraiment immonde, ce mec, il n’y a que lui qui est capable d’avoir des idées pareilles.

Je ne sais pas s’il y a transmission héréditaire de caractères acquis, mais si tel est le cas, j’ai hérité d’une véritable fortune.

Dès mon arrivée à Copenhague, mon état subit une amélioration immédiate : il y avait de la brume, on voyait moins.

J’ai failli cependant avoir une bagarre à l’aéroport, lorsque je voulus embrasser le douanier danois.. J’étais dans un état d’euphorie caractérisée, parce qu’en dépit de toutes les preuves réunies contre moi dans le monde, en particulier par Amnesty International, j’avais été reconnu irresponsable par les médecins, et donc innocent des crimes que j’avais commis. Ce qu’il m’a fallu comme ruses avec moi-même, démentis intérieurs, simulation et pseudo-pseudo, seuls les journalistes qui m’ont démasqué en novembre 1975, au moment des prix littéraires, et qui m’ont déclaré fictif, mystification, ouvrage collectif et canular peuvent le comprendre.

Les Danois parlent une langue étrangère, on ne se comprenait pas, et je sentais qu’on allait avoir de bons rapports. Ils me paraissaient très différents de moi, on allait donc s’entendre. Le douanier n’avait même pas ouvert ma valise, qui était bourrée d’explosifs sous l’effet des informations et des mass media, car à ce moment-là, on tuait en Irlande du Nord des femmes et des enfants à coups de bombes. Je suis bourré d’explosifs et je sens que je vais sauter d’un moment à l’autre, je me suis adressé à moi-même plusieurs coups de téléphone anonymes pour me mettre en garde et me permettre d’évacuer les lieux. C’est l’angoisse.

Lorsque j’ai vu que le douanier danois me faisait confiance et ne me demandait pas de m’ouvrir, je fus ému jusqu’aux larmes. J’ai donc voulu l’embrasser, car j’ai toujours eu une peur bleue des douaniers, fouilles, perquisitions, et c’était le soulagement et la gratitude.

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