Читаем Pseudo полностью

— Hi, hi, hi ! rit le Christ, qui se permettait de temps en temps, à cause de tous les sales coups que le sérieux lui avait faits depuis deux mille ans. Ça t’apprendra à parier avec moi.

Il me regarda sévèrement.

— Et vous, ça vous apprendra à être sûr de quelque chose ! me dit-il, et il a disparu, comme chaque fois qu’il y avait désespoir.

Ça m’a calmé un peu, je n’étais plus hallucinogène, je ne voyais plus la réalité, je voyais une table, une chaise, le quotidien familier, complètement pseudo, ça allait, quoi.

Ma situation restait cependant difficile, parce que si Madame Yvonne Baby habitait l’hôtel et ne devait commencer à m’interroger pour s’assurer de mon existence que le lendemain matin, Madame Simone Gallimard, elle, habitait dans la petite maison avec nous et Annie avait très peur qu’elle s’aperçoive malgré tout de quelque chose. Je n’ai jamais en effet réussi à faire pseudo-pseudo huit heures par jour, quarante heures par semaine, avec deux heures d’aller et deux heures de retour du domicile au lieu de travail, j’avais envie de hurler.

Mais ça ne se passait pas trop mal, sauf qu’il y eut ce coup tout à fait inattendu de la délégation venue spécialement de Cahors.

Je n’avais pourtant jamais eu d’ennuis avec la municipalité de cette ville, qui aime bien avoir un dingue ou deux dans les rues, pour montrer qu’elle s’intéresse à l’animation culturelle.

Le lendemain à quatorze heures, j’ai entendu saint-bernard aboyer, on a sonné à la porte et Annie est allée ouvrir. Elle est revenue ensuite, toute pâle, car il y avait de quoi.

— Il y a une délégation de la municipalité de Cahors qui demande à te voir, dit-elle.

— C’est pas vrai, dis-je.

— Écoute, Paul…

Elle m’appelait par mon vrai prénom. C’était entre nous un signe convenu. L’identité. Il y avait péril.

— Ici ? À Copenhague ? Mais qu’est-ce qu’ils me veulent, bon Dieu ?

— C’est peut-être seulement pour une contravention, dit-elle faiblement. Tu te souviens, quand tu as pissé dans la rue Nationale ?

— C’est pas possible qu’ils soient venus à Copenhague uniquement parce que j’ai pissé. Je sais bien qu’à Cahors, c’est un événement mais… Bon, fais-les entrer.

Ils sont montés. Ils étaient trois, tous adjoints au maire. Ils paraissaient bouleversés. Je ne savais pas s’ils étaient émus par les retrouvailles, ou quoi. Le premier sous-maire dit :

— Monsieur Ajar, si vous permettez qu’on vous appelle par ce nom…

Et il me cligna de l’œil. Je lui ai cligné de l’œil, moi aussi, par prudence. J’aurais pas dû. Ça les a confirmés.

— Nous voulions vous, demander si vous ne pouviez pas faire quelque chose pour la ville de Cahors et pour toute la région du Lot. Nous avons besoin d’un ensemble culturel, avec théâtre et cinémas, un auditorium pour les concerts… Et nous pensions que vous pourriez peut-être obtenir une implantation d’usines dans la région…

J’étais là, la gueule ouverte, et je ne comprenais tellement rien à rien que je commençais même à me sentir désangoissé et rassuré, car il n’y a rien de plus effrayant que la compréhension.

— On peut voir ça, dis-je. Il ne fallait surtout pas contrarier, c’est la première règle, en psychiatrie.

— Le Lot est une terre assez pauvre, comme vous n’êtes pas sans savoir, et les implantations d’usines, avec création d’emplois…

Je tortillais ma moustache. Je commençais à trouver cette conversation tout à fait naturelle.

— Oui, mais il y a la pollution, dis-je. La seule raison pour laquelle je n’ai pas encore procédé à l’implantation d’usines dans le Lot, c’est la pollution. Je pensais à l’électronique, peut-être des usines d’armements…

Je me sentais au petit poil. J’étais un milliardaire et il n’y a rien de plus différent et de plus éloigné de moi-même qu’un milliardaire.

J’étais bien, quoi. J’avais foutu le camp.

Je leur ai offert des cigares que Tonton Macoute venait fumer en cachette dans ma chambre, quand il faisait sa cure de désintoxication. Je regrettais qu’il fût à Majorque. Ce salaud-là n’a jamais cru une seconde que je pouvais devenir quelqu’un, dans la vie. Il deviendrait vert de rage, s’il me voyait procéder à l’installation d’usines dans le Lot.

Il y eut un silence. Je méditais. Je devenais bienfaiteur du département du Lot… Après, il n’y avait qu’à continuer. Premier ministre. Non, ça, c’est rien. Président de la République. Je ne pouvais pas devenir roi de France, parce que ce n’était pas constitutionnel. Je mettrais Pinochet à la Qualité de la vie et Soljenitsyne aux Armées et à la bombe atomique, pour la défense de l’Occident. J’étais sûr de faire l’unanimité sur moi, des communistes aux autres. Il y avait un seul problème qui commençait à me tracasser : les Arabes et Israël, à cause de leur programme commun. Je me suis mis à suer à grosses gouttes, car je ne pouvais pas, en tant que Président de la République et grand Français, fuir mes irresponsabilités.

— Je ne peux pas résoudre tout à la fois, leur dis-je sévèrement.

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