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— On pourrait peut-être commencer par le Centre culturel, dit l’adjoint au. Après, les usines. Ça fait plus discret, dans cet ordre, au point de vue pollution.

— On verra ça… Mais il faudra vous occuper de votre saloperie d’hôpital. La bouffe est dégueulasse.

— Entendu.

L’adjoint au eut un sourire civilisé.

— Il va sans dire que Votre Excellence touchera une commission, comme il se doit lorsqu’on traite avec les rois du pétrole et puisque vous voulez bien accepter d’intervenir en notre faveur…

Roi du pétrole ? Votre Excellence ? Je ne me souvenais pas, mais on ne sait jamais. J’étais capable de n’importe quoi. J’ai fait « mmm » dans mon cigare et pris un air important.

— À propos, dit l’adjoint au, nous sommes chargés de vous présenter les excuses du commissaire Paternel. Il a fait une dépression nerveuse très grave, quand il a tout compris…

— C’est normal, dis-je. Quand on comprend tout, on fait toujours une dépression nerveuse grave. C’est la lucidité qui veut ça.

— Il n’avait pas, au premier abord, compris votre désir légitime de garder l’anonymat.

— Je ne veux absolument pas être identifié, dis-je. Ça me rendrait la vie impossible.

— Bien sûr, bien sûr. Mais vous avez eu affaire à un homme assez fruste et qui a été déplacé de Paris à Cahors parce que c’est un grand nerveux. On l’avait nommé à Cahors pour le calmer. C’est pourtant un policier consciencieux. Vous lui avez fait une forte impression. Il a examiné votre dossier avec une extrême attention, après votre rencontre. Il ne comprenait pas du tout pourquoi vous teniez à cacher votre vrai nom et à vous faire appeler Pavlowitch.

J’ai frémi. Je ne peux pas supporter mon vrai nom. Je me sens aussitôt coincé.

Prudence. Je me taisais.

— Notre région est très fière d’avoir un hôte de marque, dit l’adjoint au. Nous serons très reconnaissants à Votre Excellence de tout ce qu’Elle voudra bien faire pour le département du Lot et nous lui promettons de respecter Son incognito. Nous nous chargeons du commissaire Paternel, il fermera sa gueule. Il s’est renseigné au fichier central, et il a vérifié que votre vrai nom est Pahlevi. Certes, c’est peut-être une erreur de transcription…

— Ce n’est pas une erreur de transcription, c’est de la calomnie. Je ne m’appelle pas Pahlevi, nom de Dieu…

— Bien sûr, bien sûr…

— Tout ce que je leur avais dit, à Paris, lorsqu’on m’a interrogé pour la première fois avec tests et tout, c’est que j’étais seulement demi-juif. Je ne renie pas mes origines, je prends simplement des précautions pour l’avenir. Ce n’est pas vrai que mon père s’appelait Lévi. Mon père n’était pas juif, c’est des insinuations. Je leur ai répété dix fois que je n’étais pas Lévi, que j’avais déjà assez d’emmerdements comme ça. Je leur ai gueulé « pas Lévi, pas Lévi ! » et ils ont dû transcrire Pahlevi. Mais c’est Pavlowitch et d’ailleurs je ne m’appelle pas comme ça non plus.

Ils étaient rassurés. On se comprenait.

— Vous pouvez compter sur notre discrétion. Mais le commissaire Paternel, quand il s’est rendu compte qu’il avait insulté un parent de Sa Majesté le Shah d’Iran qui vivait dans l’anonymie à Caniac-du-Causse, il a fait une crise de dépression nerveuse épouvantable et…

Je me suis levé d’un bond. J’ai mon honneur merde. Je veux dire, j’ai mon honneur, merde. Merde, je veux dire j’ai quand même mon honneur de merde.

— Houououououou…

On n’avait jamais entendu un tel hurlement de souffrance humaine au Danemark.

— Je ne suis pas un Pahlevi ! J’ai rien à voir avec le Shah d’Iran ! Je ne suis pas le Shah d’Iran, ni de près ni de loin ! Je suis peut-être dingue, mais moi au moins, le Shah d’Iran, c’est pas moi !

Ils sont partis convaincus sur la pointe des pieds, pour respecter mon anonymat. J’ai gueulé encore un moment, parce que j’avais besoin de me convaincre que je n’étais pas le Shah d’Iran.

Je n’ai pas pu. Le Shah d’Iran, c’est moi aussi.

Ajar rampait dans tous les sens et essayait de passer à travers les murs. Nous avons pris quelques gouttes de teinture de valériane, Annie et moi, pour l’empêcher de souffrir. La teinture de valériane est un calmant qu’on administrait aux âmes sensibles au XVIIIe siècle, lorsqu’il n’y avait pas encore l’équilibre de la terreur.

Cet inqualifiable soupçon des représentants du Lot à mon égard, ainsi que mes réponses évasives, fuyantes et refus d’aveu quant à mon identité véritable qu’ils flairaient pourtant manifestement, à en juger par leurs sourires ironiques, m’ont mis cette nuit-là à la torture d’une prise de conscience. Il était deux heures du matin lorsque j’ai brusquement compris, ce qui est toujours le pire. Je sautai sur le téléphone et réveillai le docteur Christianssen.

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