— Eh bien ! à moi jamais. J’ai horreur du hasard. C’est un petit salaud, avec lui tout le monde est perdant. Et puis, un billet, c’est tellement laid avec tous ces chiffres !
Freddy venait d’ouvrir la caisse. Il jubilait comme un gosse qu’on aurait lâché dans un magasin de jouets et qui n’arriverait pas à s’assouvir.
— Hé ! cria-t-il, regardez un peu, les gars !
Il brandissait un appareil téléphonique blanc. L’objet le ravissait.
— Ein, zwei, drei ! cria Freddy ; et il lança l’appareil en direction de Warner qui le saisit au vol et le posa sur le plancher.
— Excusez-moi, poursuivit Freddy : on m’appelle sur une autre ligne.
S’emparant d’un second appareil, il le jeta à Baum. Baum rata la réception et le socle de l’appareil éclata contre le montant de fer soutenant le toit de l’entrepôt. Une espèce de griserie frénétique s’était emparé de Freddy. Il puisait dans la caisse et jetait les appareils téléphoniques autour de lui en poussant des glapissements hystériques.
— Tu as fini tes idioties ! aboya soudain Frank.
Sa voix véhémente stoppa le délire de Freddy.
— Ben quoi, plaida ce dernier, il faut bien passer le temps en attendant ce p… de barlu, non ?
Frank se vrilla la tempe d’un index rageur.
— T’as pas changé, fit-il. Toujours ta bulle d’air là-dedans !
Paulo surgit par l’escalier extérieur. Son pas léger faisait chanter les marches rouillées. Il entra furtivement et referma la porte d’un coup de talon. La pluie dégoulinait sur son visage de fouine. Il était sombre et hermétique. Il s’approcha de Frank et se mit à lui parler à l’oreille. Frank écouta sans le regarder, sans regarder personne. Lorsque Paulo se tut, un mince sourire crispa les lèvres de l’évadé.
Qu’est-ce que c’est que ces téléphones ? demanda Paulo en considérant le troupeau d’appareils posés sur le plancher.
— C’est pour l’exportation, expliqua Freddy. Si t’en veux un c’est le moment. Ils sont costauds, les Allemands ça parle fort !
Frank s’écarta du billard et se mit à arpenter la pièce à longues enjambées. Lisa ne le quittait pas des yeux. Elle était inquiète. Elle se demandait ce que Paulo venait de révéler à Frank. Elle se disait que ce devait être une chose grave.
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