Читаем Quelqu'un marchait sur ma tombe полностью

— C’est dans cette cellule que tu n’as pas répondu à mes lettres ! C’est dans cette cellule que tu t’es mis à fabriquer ce silence qui me rendait folle. Toi, tu te demandes si je t’ai trompé. Moi, je me demande si tu ne m’avais pas oubliée.

— Oubliée ! dit-il.

Cela ressemblait à une plainte. Lorsqu’il devenait douloureux, Lisa lui pardonnait tout. C’était un enfant fragile ; un enfant perdu dans le monde. Un enfant seul.

— Oublié, reprit-il, mais pas un instant, Lisa. Pas une poussière de seconde !

C’est toi qui le dis, objecta doucement la jeune femme. Vois-tu, Frank, nous n’avons pour nous convaincre que nos paroles respectives. Ça pourrait suffire. Moi je voudrais bien que ça suffise, mais c’est toi qui décides que ça ne suffit pas !

Paulo vint à eux et leur mit à chacun une main sur l’épaule.

— Il faut la croire, Frank !

Freddy ne voulut pas être en reste.

— Parfaitement, approuva-t-il. Puisque vous nous avez dit qu’on était le jury, voilà notre sentence : il faut vous croire !

Paulo crut bon de faire une démonstration.

— Pendant ces cinq ans, tu oublies qu’on a vu Lisa nous aussi. Pas tous les jours, bien sûr. Tous les cinq ou six mois. Quand on voit quelqu’un tous les jours on ne s’aperçoit pas qu’il change. Mais tous les cinq ou six mois, Franky, ça saute aux yeux. T’es bien d’accord ?

— Où veux-tu en venir ? demanda Frank.

— À ceci : Lisa ne changeait pas. Hein, Freddy ?

Freddy enveloppa Lisa d’un regard complaisant. Il avait toujours éprouvé une certaine tendresse pour l’amie de Frank.

— Non, renchérit-il ; toujours aussi jeune !

— Qu’il est c… ! protesta Paulo. Je parlais du moral, eh, truffe !

« Elle restait pareille vis-à-vis de toi. On sentait que les années ne changeaient rien à son sentiment, Frank. Rien ! Fallait que je te le dise… J’aurais dû te le dire plus tôt, mais ça ne me venait pas à l’idée.

Une corne perçante se mit à glapir en bas, dans la rue. Freddy courut regarder et poussa un juron.

— Les pompiers avec une voiture-grue ! annonça-t-il. Vous voulez parier qu’ils ont découvert le fourgon ?

— Ça les occupera. Ils en ont pour vingt bonnes minutes à le tirer de la flotte. Jusqu’à ce moment-là, ils ne savent pas si Frank n’est pas dedans !

Il regarda sa montre. C’était une vieille montre de nickel, piquetée de taches grises et dont le cadran avait jauni. La première montre de Paulo. Il l’avait achetée de ses deniers à une époque où il travaillait.

— Dans un quart d’heure à peine ce sera pour nous « Maman, les petits bateaux ».

Frank était incommodé par la prostration de Gessler. L’autre le dominait par son silence et son immobilité. Il constituait une sorte de falaise abrupte sur laquelle Frank se meurtrissait en vain les poings.

— Eh bien, monsieur le professeur d’allemand, interpella l’évadé, vous ne dites rien ?

— Je n’ai plus rien à dire !

— Même pas adieu à Lisa ?

— C’est déjà fait.

Le sourire provocateur de Frank tomba comme un masque quand se rompt l’élastique.

— Quand ? dit-il.

— C’est fait !

Frank donna un coup de pied dans les téléphones jonchant le plancher. Il aurait voulu tout anéantir. Réduire en poudre ce triste bureau, les docks, la ville…

— Tu vois, Lisa ! C’est ça que je n’aime pas. Ces nuances dans vos relations ; ces éternels sous-entendus. Il te parle de philodendrons ; il prétend t’avoir dit adieu, il… J’en crève ! Vous m’entendez, tous ? J’en crève. Dans le fond, si tu avais le courage de me dire : « Eh bien oui, j’ai été sa maîtresse. J’ai couché avec lui pour le décider à m’aider », je préférerais. Je souffrirais un bon coup, mais je guérirais.

Elle s’éloigna, d’une curieuse petite démarche en biais, humble et peureuse.

— Que vas-tu chercher là, mon pauvre Frank ! Tu as donc à ce point besoin de te torturer ?

Gessler se releva et boutonna son pardessus. Cette fois il allait partir. Frank le comprit. Une vague mollesse l’empêcha de s’interposer.

— Voyez-vous, fit Gessler, je crois que vous étiez fait pour la prison. Là-bas au moins, vous n’aviez pas à décider. Vous pouviez vous embaumer dans votre désenchantement.

— Est-ce que je vous ai demandé de m’en sortir ? tonna le garçon.

— Tais-toi ! ordonna Lisa, il y a des limites qu’on n’a pas le droit de franchir. J’accepte de subir ta jalousie insensée. Oui, je t’aime suffisamment pour cela. Je veux bien courber la tête sous tes odieux sarcasmes, m’humilier au-delà de toute dignité. Je veux bien que tu m’insultes, je veux bien que tu me frappes. Mais je ne te laisserai pas nous reprocher de t’avoir sauvé.

Frank arracha ses lunettes de son nez et se mit à les essuyer avec son tricot de marin. Il les regardait tous, alternativement, avec l’œil égrillard d’un farceur qui mijote un bon coup.

— Qui vous permet de croire que vous m’avez sauvé ? demanda-t-il.

Lisa s’assit au bureau. Elle joua avec les fermoirs de la valise ; puis se tournant vers son amant, elle balbutia :

— Si tu regrettes les grilles du pénitencier, il est encore temps, Frank.

Elle montra la verrière crasseuse sur laquelle la pluie ressemblait à des plumes grises.

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