Читаем Révolte sur la Lune полностью

— Attendez, Prof. Ne coupez pas.

Pendant que je parlais au téléphone, Wyoh avait disparu dans la salle de bains, sans doute par discrétion ; c’était son genre.

J’ai frappé à la porte.

— Wyoh ?

— J’arrive dans une seconde.

— J’ai besoin d’un conseil.

Elle a ouvert la porte.

— Je t’écoute.

— Quelle est l’importance du professeur de La Paz dans votre mouvement ? Est-il fiable ? Toi, lui fais-tu confiance ?

Elle est restée songeuse un moment.

— À cette réunion, chaque personne était supposée se porter garante de quelqu’un d’autre. Lui, je ne le connais pas.

— Hmm… et quelle impression te donne-t-il ?

— Je l’aime bien, même s’il m’a contredite. Et toi, que sais-tu à son propos ?

— Oh, je le connais depuis plus de vingt ans. J’ai confiance en lui mais je ne peux pas te forcer à le croire. Après tout, s’il y a des ennuis, c’est ta bouteille d’oxygène, pas la mienne.

Elle m’a adressé un chaleureux sourire.

— Mannie, puisque toi, tu lui fais confiance, alors moi aussi.

J’ai repris le combiné.

— Prof, êtes-vous en cavale ?

Il a ricané :

— Exactement. Manuel.

— Connaissez-vous un trou appelé Grand Hôtel Raffles ? Chambre L, deuxième étage en sous-sol. Pouvez-vous venir ici sans être filé ? Avez-vous pris un petit déjeuner ? Voulez-vous manger quelque chose ?

Nouveau ricanement.

— Manuel, je constate qu’un élève peut prouver à son professeur que ses enseignements n’ont pas été complètement vains. Je sais où se trouve cet hôtel, je vais m’y rendre discrètement, je suis encore à jeun, et je mangerai tout ce qu’on me présentera.

Wyoh avait commencé à refaire les lits. Je suis venu l’aider.

— De quoi as-tu envie ?

— De thé et de toasts, et aussi de jus de fruit.

— Pas suffisant.

— Alors… un œuf à la coque. Mais je paye pour le petit déjeuner.

— Deux œufs à la coque, des toasts beurrés avec de la confiture, des jus de fruit. On joue ça aux dés ?

— Ton dé ou le mien ?

— Le mien : il est pipé !

Je suis allé vers le monte-charge pour demander le menu. Celui-ci proposait un « Menu spécial gueule de bois, pour deux personnes : jus de tomate, œufs brouillés, jambon, pommes frites, gâteau de maïs au miel, toasts, beurre, lait, thé ou café – quatre dollars cinquante HKL ». J’ai commandé pour deux ; pas besoin de mentionner une troisième personne.

Nous étions bien propres, la chambre rangée, tout était prêt pour le petit déjeuner. Wyoh avait quitté son ensemble noir pour mettre la robe rouge, « parce qu’un invité devait venir », quand le monte-charge a livré la nourriture. Le changement de tenue nous a incités à bavarder. Elle a pris la pose en souriant et m’a demandé :

— Je suis tellement contente de cette robe, Mannie. Comment as-tu pu savoir qu’elle m’irait si bien ?

— Question de génie.

— En effet. Combien t’a-t-elle coûté ? Je veux te rembourser.

— En solde, démarquée à cinquante cents de l’Autorité !

Elle a sursauté et s’est mise à frapper du pied. Déchaussée, elle ne pouvait faire de bruit : elle a rebondi, furieuse, à quelques dizaines de centimètres du sol.

— Bon atterrissage ! lui ai-je envoyé, tandis qu’elle cherchait son équilibre comme un nouveau débarqué.

— Manuel O’Kelly ! Si tu crois que je vais accepter des vêtements coûteux d’un homme avec lequel je n’ai même pas couché !

— On peut facilement y remédier.

— Pervers ! Je vais en parler à tes femmes !

— Vas-y. Mamie pense déjà les pires choses de moi.

J’allais au monte-charge sortir les plats quand on a frappé à la porte. J’ai enclenché l’interphone :

— Qui est là ?

— Un message pour gospodin Smith, m’a répondu une voix éraillée. Le gospodin Bernard O. Smith.

J’ai tourné le verrou pour laisser entrer le professeur Bernardo de La Paz. Il avait vraiment l’apparence d’un pouilleux : des haillons crasseux, les cheveux en bataille, il semblait avoir tout un côté du corps paralysé : l’une de ses mains paraissait tordue et l’un de ses yeux aveugle. L’image parfaite d’un de ces vieux clochards du Boulevard Inférieur, qui vont mendier un verre et des pickles dans les gargotes à deux sous. Il bavait.

À peine la porte refermée, il s’est redressé et a repris son apparence normale. Alors, portant une main à son cœur, il a regardé Wyoh de bas en haut en laissant échapper un petit sifflement aigu.

— Encore plus ravissante que dans mes souvenirs !

Elle a souri, ravie.

— Merci, professeur ! Mais ne vous fatiguez pas. Il n’y a ici que des camarades.

— Señorita, le jour où je permettrai à la politique de venir entraver mon goût pour la beauté, je prendrai ma retraite. Je vous remercie cependant de votre amabilité.

Il a jeté un coup d’œil autour de lui, examinant la chambre avec soin.

— Ne cherchez pas de preuves, Prof, lui ai-je dit. Vous n’êtes qu’un vieux vicieux. Nous avons consacré la nuit dernière à la politique, rien qu’à la politique.

— Menteur ! m’a interrompu Wyoh. J’ai dû lutter pendant des heures ! Mais il était trop fort pour moi. Professeur, quelle est donc la peine infligée par le Parti dans ce cas, à Luna City ?

Prof a ricané en faisant les gros yeux.

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