Читаем Révolte sur la Lune полностью

— Mike, quand je lance un dé, j’ai une chance sur six de tirer un as. Je ne demande pas au tenancier du bar de l’agiter dans un cornet, je ne le calibre pas et je me fiche pas mal que quelqu’un souffle dessus. On ne veut pas d’une réponse optimiste ou pessimiste, ni de tes courbes. Réponds par une seule phrase : quelles sont nos chances ? Égales ? Une sur mille ? Aucune ? Ou indéterminées ?

— Bien, Manuel Garcia O’Kelly, mon premier ami mâle.

Il n’y a pas eu le moindre bruit pendant treize minutes et demie, sauf celui que faisait Wyoh en se mordillant les phalanges. Jamais je n’ai vu Mike mettre autant de temps. Il a dû consulter tous les livres de son répertoire et retourner des chiffres en tout sens. Je commençais à croire qu’il était surchargé, qu’il avait fait sauter quelque relais ou qu’il souffrait de dépression cybernétique, ce qui exige, pour les ordinateurs, l’équivalent d’une lobotomie, si l’on veut supprimer leurs oscillations.

Enfin, il s’est décidé à parler.

— Manuel, mon ami, je suis terriblement désolé !

— Que se passe-t-il, Mike ?

J’ai essayé encore et encore, j’ai vérifié et revérifié. Nous n’avons qu’une chance sur sept de réussir !

7

J’ai regardé Wyoh, elle m’a regardé ; nous avons éclaté de rire. J’ai sauté en l’air en hurlant :

— Hourra !

Wyoh s’est mise à pleurer dans les bras de Prof et l’a embrassé.

— Je ne comprends pas, a dit Mike, tout plaintif. Les chances sont de sept contre une contre nous, pas pour nous.

Wyoh a cessé de secouer Prof.

— Vous avez entendu ? Mike a dit « nous ». Il s’est inclus.

— Naturellement, Mike, vieux camarade, nous avons compris. Mais as-tu jamais vu un Lunatique refuser de parier quand il a une bonne chance de gagner contre sept ?

— Je n’ai jamais connu que vous trois. Les données ne sont pas suffisantes pour tracer une courbe.

— Pourtant… Nous sommes des Lunatiques. Les Lunatiques parient. Nous y sommes bien obligés, pardi ! On nous a expédiés ici et on nous a mis au défi de survivre. Nous les avons roulés. Nous les roulerons encore ! Wyoh, où est ta bourse ? Ton bonnet rouge. Mets-le sur Mike. Embrasse-le. Buvons un coup. Et un verre pour Mike, aussi… Mike, tu veux trinquer ?

— J’aimerais bien, a répondu Mike avec un soupçon d’amertume. J’ai beaucoup étudié les effets subjectifs de l’éthanol sur le système nerveux humain… cela doit ressembler à un léger survoltage. Comme je ne peux pas boire, servez-vous à ma place.

— Programme accepté. Au trot ! Wyoh, où est donc ce bonnet ?

Le téléphone pendait au mur, en partie encastré, et il n’y avait aucun endroit où coincer le bonnet. Nous l’avons donc placé sur la tablette, puis nous avons bu à la santé de Mike – « camarade ! ». Il a failli en pleurer. Puis Wyoh a emprunté le bonnet phrygien, me l’a enfoncé sur la tête, elle m’a embrassé comme s’embrassent deux conspirateurs, d’une manière telle que ma femme-aînée se serait évanouie si elle nous avait vus. Puis elle a repris le bonnet, l’a posé sur la tête de Prof et lui a accordé le même traitement. Je me réjouissais qu’il ait effectivement le cœur solide.

Elle l’a enfin mis sur sa propre tête, s’est penchée sur le téléphone, la bouche entre les deux micros stéréophoniques, et a fait claquer de gros baisers dans le vide.

— Ça, c’est pour toi. Mike, mon cher camarade. Michèle est-elle là ?

Je veux bien être pendu s’il n’a pas répondu de sa voix de soprano :

— Je suis là, chérie… et si heureuse !

Michèle a donc eu droit, elle aussi, à un baiser. J’ai dû expliquer à Prof qui était « Mychelle » et la lui présenter. Il s’est montré cérémonieux, a produit quelques soupirs admiratifs et s’est même permis d’applaudir : il m’arrive parfois de penser que Prof n’avait pas toute sa tête alors.

Wyoh s’apprêtait à resservir de la vodka quand Prof lui a pris les verres, a mis du café dans les nôtres, du thé dans le sien, et du miel partout.

— Nous avons déclenché la révolution, a-t-il lancé avec assurance, il nous faut maintenant la faire. Et garder la tête froide. Manuel, vous avez été élu président. Nous mettons-nous au travail ?

— C’est Mike, le président, ai-je dit. Cela va de soi. Et aussi le secrétaire. Nous n’écrirons jamais rien : première règle de sécurité. Avec Mike, nous n’en avons pas besoin. Faisons un tour d’horizon, pour voir où nous en sommes. Je suis nouveau dans le métier.

— Pour rester dans le domaine de la sécurité, a dit Prof, ajoutons que le secret de Mike doit être strictement réservé à cette cellule de direction et qu’il ne devra être étendu à d’autres qu’après un accord unanime de nous trois… correction, de nous quatre.

— Quel secret ? a demandé Wyoh. Mike veut bien garder nos secrets. Il est plus sûr que nous : au moins, on ne peut pas lui faire subir un lavage de cerveau. N’est-ce pas, cher Mike ?

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