Un soir, tard dans la nuit, Mike a imprimé le nouveau code par l’intermédiaire des dépêches de la
Peu après, par l’intermédiaire de son agent de change londonien, Stu a reçu sur Terra quelques messages de la LuNoHoCo, qui traitaient pour la plupart de questions financières.
Le Parti avait besoin de dépenser de l’argent sur Terra ; la LuNoHoCo en a donc transféré (et pas seulement de l’argent volé : certaines opérations s’étaient révélées profitables), mais le Parti avait besoin d’envoyer davantage de fonds sur Terra. Stu devait spéculer en tenant compte du fait qu’il connaissait secrètement le projet de révolution. Avec Prof et Mike, il avait passé des heures à discuter des actions qui allaient monter et de celles qui allaient baisser après le jour « J ». Mais ça, c’était le boulot de Prof ; moi, je ne suis pas ce genre de joueur.
Il nous fallait de l’argent
De l’argent pour la publicité, pour les pots-de-vin, pour des hommes de paille, pour intoxiquer les mouvements qui avaient pignon sur rue ; de l’argent pour que la nature de la véritable économie lunaire (Stu était parti muni de tous les chiffres nécessaires) soit établie d’abord de manière scientifique puis popularisée ; de l’argent pour convaincre le ministère des Affaires étrangères d’au moins un grand pays qu’il aurait avantage à l’existence de Luna Libre ; de l’argent pour convaincre quelque grand cartel financier de développer le tourisme lunaire…
Tout cela faisait trop d’argent ! Stu avait offert sa propre fortune, et Prof ne l’avait pas refusée – mariage de l’intérêt et du cœur… Mais cela restait insuffisant. Je croisais les doigts pour que Stu puisse accomplir ne serait-ce que le dixième de sa tâche. Au moins étions-nous enfin parvenus à établir un système de communication avec Terra ! Prof prétendait que les transmissions vers l’ennemi constituaient un point essentiel dans toutes les guerres, et qu’il fallait y apporter le plus grand soin. (Il se disait pacifiste, mais comme pour son végétarisme, cela ne l’empêchait pas de rester… « rationnel ». Il aurait fait un théologien du tonnerre.)
Dès l’atterrissage de Stu, Mike a établi nos chances à une contre treize. Affolé, je lui ai demandé pourquoi.
— Mais, Man, m’a-t-il expliqué patiemment, cela accroît les risques. Et qu’il s’agisse de risques nécessaires n’y change rien.
Je me suis tu. Vers le même moment, au début de mai, un nouveau facteur a réduit certains risques tout en en révélant d’autres. Une partie de Mike s’occupait des transmissions par ondes micrométriques Terra-Luna – les annonces commerciales, les données scientifiques, les nouvelles, la vidéo, la radiotéléphonie vocale, les transmissions de routine de l’Autorité mais également les messages ultra-secrets du Gardien.
À part ces derniers, Mike pouvait déchiffrer n’importe quoi, y compris les codes et messages chiffrés commerciaux : le déchiffrement des cryptogrammes était pour lui un jeu auquel il se livrait comme on fait des mots croisés, et personne ne se méfiait de cette machine. Sauf le Gardien – au demeurant je pense qu’il se méfiait de tout mécanisme ; il était du genre à trouver que tout instrument un peu plus compliqué qu’une paire de ciseaux a quelque chose de mystérieux, de dangereux… Une mentalité de l’âge de pierre en quelque sorte.
Le Gardien utilisait un code que Mike n’avait jamais vu. Il envoyait aussi différents messages chiffrés mais ne les composait jamais à l’aide de Mike ; il préférait se servir d’une petite machine idiote dans le bureau de sa résidence. Il avait en outre convenu avec l’Autorité terrienne d’opérer des permutations régulières selon un calendrier établi entre eux. Un système, selon lui, très sûr.
Mike a percé à jour sa méthode et en a déduit son système de permutation horaire, simplement pour se dérouiller les jambes. Il ne s’est pas attaqué au code proprement dit avant que Prof ne le lui demande ; cela ne présentait aucun intérêt pour lui.