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Depuis toujours Martine rêvait avoir pour mari Daniel. Lui ou personne. Mais c’était son seul rêve chimérique. Tous les autres rêves de Martine étaient modestes et réalisables. Maintenant qu’elle avait Daniel, elle rêvait d’un petit appartement moderne dans une maison neuve, aux portes de Paris. Comme Daniel devait, après École d’Horticulture, travailler chez son père à la pépinière, cet appartement n’avait aucun sens, disait-il. Mais Martine insistait : ne pas avoir de logis à Paris, voulait dire s’enterrer à la campagne pour toujours ! Il fallait, pour ne pas la désespérer qu’ils aient un appartement bien à eux, ni à M. Donelle père, ni à M’man Donzert, à eux. Il fut décidé en conseil de famille que M’man Donzert, M. Georges et Cécile achèteraient pour Martine un appartement, cela serait leur cadeau de mariage. Et Daniel regardait avec stupéfaction pleurer Martine qui avait raté un appartement, le dernier qui était disponible, dans une maison qui lui plaisait. Pleurer pour un appartement ! Voyons, toi, perdue-dans-les-bois, qui ne pleures jamais, pour un appartement ! Quelle fille étrange !

Elle rêvait d’un mariage à l’église… « Écoute, Martine, disait Daniel, tu ne dis pas cela sérieusement. Déjà la mairie, c’est bouffon[90], mais alors l’église ! Voyons, si tu étais croyante ! Tu vis comme une païenne, selon la nature, ma douce enfant, qu’est-ce qui te prend maintenant ? Tout cet argent à des curés, quand on pourrait se payer un petit voyage, une lune de miel[91] un peu plus longue, écoute, je n’ose pas demander au paternel de l’argent pour une noce ! »

Au dîner chez M’man Donzert, où Daniel avait été invité au titre officiel de fiancé il avait trouvé à ce sujet une entente parfaite : Cécile parlait sans arrêt de sa robe de demoiselle d’honneur[92], rose, bien sûr, ah, mais cette fois-ci Martine serait en blanc et non en bleu ciel ! Le voile irait divinement à Martine… Et lorsque Daniel, courageusement, proposa un mariage civil seul, et le départ immédiat, sans noces et banquet… Mme Donzert posa sa fourchette et se précipita dans la cuisine, pour cacher ses larmes. M. Georges se mit à parler de l’attitude qu’un galant homme devait avoir vis-à-vis des femmes… Puisque les femmes rêvaient à la solennité de l’église, un galant homme se devait de leur donner cette joie…

<p>XI. LE “WHO IS WHO”<a l:href="#n_93" type="note">[93]</a> DES ROSES</p>

Le repas de noces, après l’église et la mairie, eut lieu dans une auberge sur une route nationale[94]. La rapidité avec laquelle Martine avait fait son choix parmi tous les restaurants laissait supposer qu’il y avait belle lurette[95] que ce choix était fait. En effet, un jour que Ginette avait emmené Martine dans cette auberge, encore bien avant que celle-ci n’eût rencontré Daniel sous les arcades, Martine s’en était dit qu’elle aurait aimé revenir ici pour le repas de ses noces avec Daniel.

Une maison pimpante neuve, en plein sur la nationale. Les voitures arrivaient l’une après l’autre et se garaient dans une sorte de cour. La quatre-chevaux des jeunes mariés, cadeau de M. Donelle père, était déjà là. Puis est arrivé le car avec les amies de Cécile, des dactylos et des étudiants de École d’Horticulture, des copains de Daniel. Le père de Daniel descendait de sa vieille Citroën[96] familiale, accompagnée de Dominique, la sœur de Daniel et les deux enfants de celle-ci… Le nez en l’air, M. Donelle se mit au milieu de la route pour regarder l’auberge. Il était grand, maigre, courbé comme la première moitié d’une parenthèse, la poitrine rentrée, habillé de vêtements flottants, foncés, comme pour un enterrement.

— Imaginez-vous, criait-il, que cette maison m’intéresse ! Ravi d’y venir… Depuis le temps que je passe devant quand je vais à Paris… Une vieille, brave maison. Et comme enseigne, c’est trouvé ! « Au coin du bois… »

— Papa, tu vas te faire renverser par une voiture à rester au milieu de la route…

Dominique, sa fille, lui ressemblait, grande et un peu voûtée, avec une lourde chevelure noire, mais probablement aussi réservée que son père était bavard.

M’man Donzert et M. Georges, le pharmacien et la pharmacienne arrivèrent aussi. M’man Donzert, très excitée, traversa la salle pour aller au jardin : on mangeait dehors.

— Les enfants sont déjà là, monsieur Donelle, j’ai vu leur voiture, un petit bijou… Je me dépêche, j’aimerais voir comment cela se passe pour le déjeuner…

— Tout est en ordre, Madame, vous serez satisfaite, et la jeune mariée aussi, dit le patron qui se tenait au milieu de la salle et saluait les invités.

La salle était sombre et fraîche. Le patron salua très bas Mme Denise, impeccable avec ses cheveux blancs et sa robe de chez Dior[97], accompagnée de son ami, un ancien coureur d’auto. Sa voiture blanche, décapotable, était une merveille. Mme Denise avait pris dans leur voiture Ginette et son petit garçon Richard. Ginette habillée de couleurs pastel, était tout poudre de riz, crèmes et parfums.

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Юрий Петрович Щекочихин

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