Читаем Roses à crédit (Lecture à domicile) полностью

« Passant, je t’en supplie, répands des roses sur ma tombe »

(Inscription romaine sur la tombe d’un pauvre des temps impériaux.)

Elle n’y était jamais retournée depuis qu’elle avait suivi M’man Donzert à Paris. Une dizaine d’années. Elle ne reconnaissait pas cette roue, presqu’aussi large que l’autoroute de l’Ouest, elle qui l’avait faite pour venir à Paris, et plus tard pour aller à l’auberge « Au coin du bois », pour aller à la ferme. Le paysage était ici comme à la Porte où elle habitait, toutes les sorties de Paris se ressemblent… Des immeubles neufs, en construction ou à peine construits, blancs, très hauts et très plats, ceinturés de balcons de couleurs vives.

Le car traversa un joli patelin[306] qui tenait de la petite ville et du village, sur un fond de collines boisées où se mon-, traient parmi les arbres, les tuiles oranges des toits. Il y eut des virages, montées et descentes, et la plaine s’étala à nouveau… On roulait.

Voici l’auberge « Au coin du bois », où avait eu lieu sa noce. Martine sortit de son sac un bonbon. L’auberge était aussi pimpante. On ne voyait personne autour. Le car dépassa l’auberge. Ce pavillon à côté n’existait pas alors… Volets verts, toit orange. Le car roulait, grosse bête maladroite, ronflante. Les passagers, des habitués, restaient tranquilles à leurs places, ils savaient où ils étaient, où ils allaient descendre, les noms des villages que l’on dépassait, le temps, les kilomètres… Martine ne savait rien de tout cela, et elle avait perdu l’habitude de voyager en car, toujours dans sa voiture, avec Daniel ou seule, ou avec des amis et amies… Martine sortit un autre bonbon de son sac.

La route avait depuis longtemps perdu ses airs d’autoroute et coulait modestement traversant des pays, plongeant dans les bois. C’est en bordure d’une grande forêt où se tenait la petite ville de R… que Martine se retrouva en pays de connaissance. L’autobus s’arrêta longuement près de la gare, se vida et continua son chemin, à travers le centre de la ville. Voici la place avec le château historique… « J’aimerais me perdre dans les bois avec toi… »

Chaque pierre, chaque arbre, chaque maison, changement, disparition, rien ne pouvait échapper ici à Martine, à sa mémoire infaillible… Elle reconnaissait et remarquait chaque détail. Le car entrait dans la profondeur humide des grands bois. Ici, on n’avait touché à rien, ici Martine était chez elle. Elle n’aurait pas pu se perdre parmi ces arbres, elle les connaissait presque un à un.

La « gendarmerie nationale » était la première maison du village. Martine croqua son bonbon, l’avala et en mit un autre dans la bouche.

Elle reconnaissait les cahots de la rue mal pavée du village. Le village avait rajeuni, de vieilles façades disparues sous un crépi neuf… Il y avait des maisons récemment bâties, une pompe à essence… Le car tourna péniblement et s’arrêta sur la place. Martine descendit.

Elle fit quelques pas, tout engourdie… Fouilla nerveusement dans son sac pour chercher un bonbon. Martine traversa la place, entra sous la voûte, poussa la porte sur laquelle on pouvait lire : ETUDE.

— Maître[307] Valatte ? De la part de ?… Mais certainement ! Je vais prévenir Me Valatte… asseyez-vous, Madame…

Le clerc disparut derrière une porte matelassée, pendant que les quatre dactylos jetaient à Martine des regards en dessous… Martine portait un vaste manteau, très court, et lorsqu’elle s’était assise, croisant les jambes on lui voyait les genoux… ses cheveux coupés à la dernière mode étaient tenus par un petit carré de soie noué sous le menton… elle tapotait d’un gant nerveux ses doigts dégantés, aux ongles parfaits, longs, roses nacrés. Son visage savamment fardé était, bien qu’un peu bouffi, d’une grande beauté…

— Voulez-vous donner la peine d’entrer…

Me Valatte avait la tête toute blanche ! Lui si brun autrefois. Le visage encore jeune pourtant.

— Vous m’annoncez une « succession », maître Valatte… De quoi s’agit-il ?

Me Valatte avançait un siège, s’installait lui-même devant son bureau, ouvrait un dossier, le feuilletait :

— Eh bien, Madame, il s’agit d’un terrain qui a quand même deux mille mètres carrés… Et qui vous revient entièrement puisque de tous les enfants encore vivants de la défunte Marie Vénin, vous êtes la seule légitime…

— Ah bien, fit Martine, je ne m’en doutais pas…

— C’est ainsi pourtant… Votre sœur aînée est morte, comme vous devez le savoir.

— Non, Monsieur… je ne sais rien… Je n’avais plus aucun contact avec ma famille…

— Eh bien… votre père adoptif, Pierre Peigner, s’est tué en tombant d’un arbre… Ici, au village. On avait souvent recours à lui pour l’élagage…[308] Malheureusement, il buvait…

— Et les petits ?

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