Читаем Roses à crédit (Lecture à domicile) полностью

Quant à M’man Donzert, Cécile, M. Georges, ils le considérèrent évidemment comme un monstre, comme un assassin… On lui avait dépêché Pierre Genesc[290] pour lui parler d’homme à homme… Ce n’était pas un bon choix, car si M. Georges souffrait pour Martine et désapprouvait Daniel avec toute la violence dont il était capable, Pierre Genesc en parlant à Daniel fût plutôt de son côté…

— Martine est une sœur pour Cécile, et elle m’est déjà chère par là, disait-il, assis avec Daniel au « Café de la Paix »[291] ou il lui avait donné rendez-vous, — je connais ses qualités, mais elle m’a toujours incommodé, imaginez-vous… C’est une femme rangée, sérieuse, mais je suis très sensible sur tout ce qui chez une femme peut devenir emmerdant pour un homme… Entre nous, cher ami, je vous comprends fort bien. Martine a toujours eu quelque chose d’inquiétant… Ne le prenez pas mal, mais elle a un côté sorcière, malgré, je dirais même à cause de sa grande beauté… Je me suis toujours méfié d’elle.

Daniel ne disait rien. Devant ce Pierre Genesc et ses yeux bleus, il était du côté de Martine, ce qui ne changeait rien, mais le rendait malheureux. Il avala son whisky sans, dire un mot, appela le garçon : « Vous m’excuserez, Monsieur, j’ai des choses à régler avec mon départ. »

— Il n’y a rien à faire, — racontait Pierre Genesc à sa femme qui l’attendait impatiemment, — un mur ! Martine n’a rien à espérer, et je t’assure, ma chérie, cela vaut mieux qu’ils se séparent… entre ces deux-là, ça ne pourrait que mal finir.

Cécile se mit à pleurer. Elle était profondément malheureuse pour Martine. Et dire que personne ne pouvait la voir, et Dieu sait ce qu’on lui faisait là-bas, dans cette « maison ». On ne permettait pas de lui porter une douceur, d’aller l’embrasser comme une malade ordinaire. Et qui sait, peut-être Daniel la faisait-il séquestrer pour aller rejoindre sa poule[292].

— Ne dis pas ça, ma chérie, tu sais bien ce que nous a dit le docteur Mortet, elle est folle à lier !

— Mais il n’a jamais dit ça, voyons, Pierre ! Il a dit qu’elle a eu un choc, et que cela allait se passer…

— On ne va pas se disputer ! un choc qui l’a rendue folle à lier, et cela va se passer, on est d’accord…

Ils allèrent embrasser le bébé dans son berceau. Il ou plutôt elle, était aussi blonde que sa maman, impossible d’imaginer quelque chose de plus tendre, de plus touchant…

— Ma pauvre Martine ! Ah, elle n’a pas eu son dû[293] dans ce monde…

Cécile pleurait au-dessus du berceau, sur l’épaule de son mari.

Martine était revenue de la « maison de santé » et avait repris son travail. Elle était si calme, si pondérée et exacte que les bruits qui avaient couru sur sa maladie s’éteignirent rapidement. On qualifiait même de risible ces potins ! Son mari ? Eh bien quoi, son mari, il est en Amérique pour ses affaires, et après ?[294] La mystérieuse maladie ? Mais une fausse-couche bien sûr ! Martine penchée sur les mains féminines, faisait son travail, remplaçant la conversation par un rapide sourire, lorsque les yeux de la cliente rencontraient les siens.

Elle laissa partir sa voiture dont les traites n’étaient pas payées depuis plusieurs mois, sans montrer ennui ou regrets. Elle ne s’opposait plus au divorce, et n’avait demandé à l’avocat de Daniel qu’une seule chose : qu’on ne le rendît pas public immédiatement. Lorsque Daniel serait de retour en France avec sa nouvelle épouse, on verrait bien. Elle exposa tout cela très posément à son avocat.

Martine reprit ses parties de bridge, mais ne jouait que rarement et jamais chez elle. Pour sortir elle gardait son apparence habituelle, soignée, parfumée, et personne n’aurait pu se douter de la saleté qui régnait derrière la porte de son appartement, fermé à tout le monde. Elle ne vidait pas la boîte à ordures, ne lavait pas la vaisselle, ne changeait pas les draps. C’était sa vengeance. Sur qui s’exerçait-elle ? Personne ne pouvait le sentir.

Une lettre lui était arrivée du village le jour même où elle avait eu des nouvelles de son procès : c’était fait, en moins d’un an Daniel avait obtenu le divorce et était libre d’épouser l’autre. La lettre du village l’attendait chez la concierge. Martine l’ouvrit dans l’ascenseur : le notaire, Me Valatte, lui annonçait la mort de sa mère, et lui demandait de se rendre à son étude[295] pour régler les questions de la succession. La succession… Marrant ![296] La vieille cabane, on n’avait qu’à la brûler… Elle pensa d’abord à la baraque et ensuite à la morte. Il y avait bien dix ans qu’elle n’avait entendu parler de sa famille. Qu’était devenue la marmaille ? La grande sœur ? Aller là-bas, les rencontrer… Pourquoi pas ?

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Юрий Петрович Щекочихин

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