J ’ai travaill'e toute la matin'ee; je n’ai eu le temps que pour faire un petit tour dans le jardin. Je pensais `a ma disgr^ace; j’ai 'et'e triste et cherchais la solitude. Mais dans l’apr`es-diner je pris la r'esolution d’aller chez Izma"iloff afin qu’on ne croie pas que je conserve de l’humeur de la soir'ee d’hier. Comme je devais passer presque devant la porte de Pana"ieff, je suis entr'e chez lui pour lui souhaiter le bon jour. Il me recoit assez froidement et j’y vois Richter feuil-lettant quelques papiers. Pana"ieff me dit qu’il a entendu de Mr Ostolopoff, Kniagewicz et Izma"iloff qui sont venus le voir dans la matin'ee que j’ai 'et'e maltrait'e par Md. Je lui conte tout et il me remet le billet de Madame, tr`es of-fensant et tr`es dur o`u elle me reproche d’avoir vol'e les billets de Pana"ieff. Je ne me serais jamais attendu `a cette sortie: Pana"ieff me communique qu’elle lui a aussi 'ecrit en faisant part de ce pr'etendu vol.
Le domestique qui la servait, Wladimyr est venu me demander de lui procurer une place. J ’ai 'et'e charm'e de pouvoir obliger quelqu’un qui la ser-vait, mon coeur est tr`es g^at'e sur ce point; si j’aime quelqu’un, j’aime tout ce qui d'epend de lui, tout ce qui lui est attach'e, m^eme tout ce qui l’'etait connu. Je me suis donc offert de tr`es bonne gr^ace de rendre un service `a son ancien domestique, et j’en parlerai au Prince.
Le Prince m ’a recommand'e de lui amener Wladimyr, et comme ce do-mestique m’a dit qu’on peut l’avoir en payant sa rancon, le Prince y consenti, d’autant plus qu’un de ses laquais est mort et l’autre malade. Le Prince m’a dit des choses tr`es obligeantes que ma recommandation suffit et que je ne lui ai jamais pr'esent'e que ce qui 'etait vraiment bon. Il est vrai que je lui ai procur'e un homme excellent, M. Kolomytzoff pour ^etre `econome de l’institut des Sourds et Muets; aussi le P.se reposa parfaitement sur ma recommandation. Je serais ravi s’il me r'eussit de m^eme de d'elivrer ce pauvre Wladimyr des griffes de son ma^itre actuel.