Que je rends gr ^aces au mauvais temps qui me retient en ville. Madame! j’ai encore de vouloir <нрзб.> la douce perspective de vous voir deux ou trois fois avant mon d 'epart pour la campagne. Il me vient de temps en temps des id'ees qui n’ont pas le sens commun: je d'esire quelquefois qu’il fasse contin-uellement la mauvaise saison afin que vous d'em'enagez plus promptement pour venir demeurer en ville et que j’aie le bonheur de vous voir tous les jours. Grondez-moi si vous voulez, Madame, mais sur ce point-l`a je suis 'ego"iste, et tr`es `ego"iste, et ce n’est pas tout-`a-fait sans raison. Il me semble que quand je suis pr`es de vous, mon existence est alors plus compl`ete, plus enti`ere, tandis que loin de vous je me crus priv'e d’une grande partie de moi-m^eme, et c’est la v'erit'e: mon coeur, mon ^ame, mes pens'ees, mon imagination sont constamment attach'es `a vos pas et semblent voltiger autour de votre image ador'ee. Tout ce qui constitue la meilleure partie de moi-m^eme est donc absorb'e dans vos perfections et que me reste-t-il? de la glace au lieu du coeur, un vide continuel dans l’esprit et dans l’^ame et une enveloppe grossi`ere qui tient `a mon origine terrestre.
Ah! Madame! ne me privez point de la seule consolation que j ’ai en vue en m’'eloignant de votre personne! 'ecrivez-moi aussi souvent que vous le pour-rez, 'ecrivez-moi de longues lettres afin que je puisse boire `a longs traits le plaisir de voir quelque chose qui 'emane de vous! Je sais que ma pri`ere est trop hardie, mais c’est `a un ange que je l’adresse et un ange ne se refuse jamais de consoler les pauvres humains. Que mon coeur battra avec force lorsque j’aurai `a attendre de vos nouvelles! Oh! je les porterai sur mon coeur, vos lettres, elles y feront revivre cette douce chaleur qui s’amortira par votre absence ou qui ira plut^ot se r'efl'echir dans vos yeux.
Chaque fois que j’ai le bonheur de vous voir, Madame, je reviens enc ore plus amoureux. La derni`ere fois surtout… oh! cette soir'ee se gravera dans ma m'emoire parmi les instants les plus heureux de ma vie. Je vous ai vu arranger de vos propres mains les oreillers du lit qui a 'et'e destin'e pour me recevoir; oh! avec quels transports j’imprimais des baisers sur ces mains incomparables! L’oserai-je dire… non! mon coeur est encore trop plein de ce bonheur et les plus belles expressions seraient froides et insuffisantes.
Puissiez-vous sentir, Madame, la moindre parcelle de ce que je sens pour vous! je serais encore le plus heureux des hommes comme j’en suis le plus amoureux.