Читаем Sans famille полностью

– Voyons, magister, on t’obéit.

– Et on t’obéira.

– Écoutez, dit le magister, puisque vous voulez que je sois chef de poste, je veux bien ; mais c’est à condition qu’on fera ce que je dirai. Nous pouvons rester ici longtemps, plusieurs jours ; je ne sais pas ce qui se passera : nous serons là comme des naufragés sur un radeau, dans une situation plus terrible même, car sur un radeau, au moins, on a l’air et le jour : on respire et l’on voit ; quoi qu’il arrive il faut, si je suis chef de poste, que vous m’obéissiez.

– On obéira, dirent toutes les voix.

– Si vous croyez que ce que je demande est juste, oui, on obéira ; mais si vous ne le croyez pas ?

– On le croira.

– On sait bien que tu es un honnête homme, magister.

– Et un homme de courage.

– Et un homme qui en sait long.

– Il ne faut pas te souvenir des moqueries, magister.

Je n’avais pas alors l’expérience que j’ai acquise plus tard, et j’étais dans un grand étonnement de voir combien ceux-là même qui, quelques heures auparavant, n’avaient pas assez de plaisanteries pour accabler le magister, lui reconnaissaient maintenant des qualités : je ne savais pas comme les circonstances peuvent tourner les opinions et les sentiments de certains hommes.

– C’est juré ? dit le magister.

– Juré, répondîmes-nous tous ensemble.

Alors on se mit au travail : tous, nous avions des couteaux dans nos poches, de bons couteaux, le manche solide, la lame résistante.

– Trois entameront la remontée, dit le magister, les trois plus forts ; et les plus faibles : Rémi, Carrory, Pagès et moi, nous rangerons les déblais.

– Non, pas toi, interrompit Compayrou qui était un colosse, il ne faut pas que tu travailles, magister, tu n’es pas assez solide ; tu es l’ingénieur : les ingénieurs ne travaillent pas des bras.

Tout le monde appuya l’avis de Compayrou, disant que puisque le magister était notre ingénieur, il ne devait pas travailler ; on avait si bien senti l’utilité de la direction du magister que volontiers on l’eût mis dans du coton pour le préserver des dangers et des accidents : c’était notre pilote.

Le travail que nous avions à faire eut été des plus simples si nous avions eu des outils, mais avec des couteaux il était long et difficile. Il fallait en effet établir deux paliers en les creusant dans le schiste, et afin de n’être pas exposés à dévaler sur la pente de la remontée, il fallait que ces paliers fussent assez larges pour donner de la place à quatre d’entre nous sur l’un, et à trois sur l’autre. Ce fut pour obtenir ce résultat que ces travaux furent entrepris.

Deux hommes creusaient le sol dans chaque chantier et le troisième faisait descendre les morceaux de schiste. Le magister, une lampe à la main, allait de l’un à l’autre chantier.

En creusant, on trouva dans la poussière quelques morceaux de boisage qui avaient été ensevelis là et qui furent très-utiles pour retenir nos déblais et les empêcher de rouler jusqu’en bas.

Après trois heures de travail sans repos, nous avions creusé une planche sur laquelle nous pouvions nous asseoir.

– Assez pour le moment, commanda le magister, plus tard nous élargirons la planche de manière à pouvoir nous coucher ; il ne faut pas user inutilement nos forces, nous en aurons besoin.

On s’installa, le magister, l’oncle Gaspard, Carrory et moi sur le palier inférieur, les trois piqueurs sur le plus élevé.

– Il faut ménager nos lampes, dit le magister, qu’on les éteigne donc et qu’on n’en laisse brûler qu’une.

Les ordres étaient exécutés au moment même où ils étaient transmis. On allait donc éteindre les lampes inutiles lorsque le magister fit un signe pour qu’on s’arrêtât.

– Une minute, dit-il, un courant d’air peut éteindre notre lampe ; ce n’est guère probable, cependant il faut compter sur l’impossible, qu’est-ce qui a des allumettes pour la rallumer ?

Bien qu’il soit sévèrement défendu d’allumer du feu dans la mine, presque tous les ouvriers ont des allumettes dans leurs poches ; aussi comme il n’y avait pas là d’ingénieur pour constater l’infraction au règlement, à la demande : « qui a des allumettes ? » quatre voix répondirent : Moi.

– Moi aussi j’en ai, continua le magister, mais elles sont mouillées.

C’était le cas des autres, car chacun avait ses allumettes dans son pantalon et nous avions trempé dans l’eau jusqu’à la poitrine ou jusqu’aux épaules.

Carrory qui avait la compréhension lente et la parole plus lente encore répondit enfin :

– Moi aussi j’ai des allumettes.

– Mouillées ?

– Je ne sais pas, elles sont dans mon bonnet.

– Alors, passe ton bonnet.

Au lieu de passer son bonnet, comme on le lui demandait, un bonnet de loutre qui était gros comme un turban de turc de foire, Carrory nous passa une boîte d’allumettes ; grâce à la position qu’elles avaient occupée pendant notre immersion elles avaient échappé à la noyade.

– Maintenant, soufflez les lampes, commanda le magister.

Une seule lampe resta allumée, qui éclaira à peine notre cage.

V

Dans la remontée.

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