Читаем Sans famille полностью

Les vieux travaux étaient une partie de la mine abandonnée depuis longtemps et où personne n’allait, mais que le magister, lui, avait souvent visitée lorsqu’il était à la recherche de quelque curiosité.

– Retournez sur vos pas, cria-t-il, et donnez-moi une lampe, que je vous conduise.

D’ordinaire quand il parlait on lui riait au nez ou bien on lui tournait le dos en haussant les épaules, mais les plus forts avaient perdu leur force, dont ils étaient si fiers, et à la voix de ce vieux bonhomme dont ils se moquaient cinq minutes auparavant, tous obéirent ; instinctivement toutes les lampes lui furent tendues.

Vivement il en saisit une d’une main, et m’entraînant de l’autre, il prit la tête de notre troupe. Comme nous allions dans le même sens que le courant nous marchions assez vite.

Je ne savais où nous allions, mais l’espérance m’était revenue.

Après avoir suivi la galerie pendant quelques instants, je ne sais si ce fut durant quelques minutes ou quelque secondes, car nous n’avions plus la notion du temps, il s’arrêta.

– Nous n’aurons pas le temps, cria-t-il, l’eau monte trop vite.

En effet, elle nous gagnait à grands pas : des genoux elle m’était arrivée aux hanches, des hanches à la poitrine.

– Il faut nous jeter dans une remontée, dit le magister.

– Et après ?

– La remontée ne conduit nulle part.

Se jeter dans la remontée, c’était prendre en effet un cul-de-sac ; mais nous n’étions pas en position d’attendre et de choisir ; il fallait ou prendre la remontée et avoir ainsi quelques minutes devant soi, c’est-à-dire l’espérance de se sauver, ou continuer la galerie avec la certitude d’être engloutis, submergés avant quelques secondes.

Le magister à notre tête nous nous engageâmes donc dans la remontée. Deux de nos camarades voulurent pousser dans la galerie et ceux-là, nous ne les revîmes jamais.

Alors reprenant conscience de la vie, nous entendîmes un bruit qui assourdissait nos oreilles depuis que nous avions commencé à fuir et que cependant nous n’avions pas encore entendu : des éboulements, des tourbillonnements et des chutes d’eau, des éclats des boisages, des explosions d’air comprimé ; c’était dans toute la mine un vacarme épouvantable qui nous anéantit.

– C’est le déluge.

– La fin du monde.

– Mon Dieu ! ayez pitié de nous !

Depuis que nous étions dans la remontée, le magister n’avait pas parlé, car son âme était au-dessus des plaintes inutiles.

– Les enfants, dit-il, il ne faut pas nous fatiguer ; si nous restons ainsi cramponnés des pieds et des mains nous ne tarderons pas à nous épuiser ; il faut nous creuser des points d’appui dans le schiste.

Le conseil était juste, mais difficile à exécuter, car personne n’avait emporté un pic ; tous nous avions nos lampes, aucun de nous n’avait un outil.

– Avec les crochets de nos lampes, continua le magister.

Et chacun se mit à entamer le sol avec le crochet de sa lampe ; la besogne était malaisée, la remontée étant très-inclinée et glissante. Mais quand on sait que si l’on glisse on trouvera la mort au bas de la glissade, cela donne des forces et de l’adresse. En moins de quelques minutes nous eûmes tous creusé un trou de manière à y poser notre pied.

Cela fait, on respira un peu et l’on se reconnut. Nous étions sept : le magister, moi près de lui, l’oncle Gaspard, trois piqueurs nommés Pagès, Compayrou et Bergounhoux, et un rouleur, Carrory ; les autres ouvriers avaient disparu dans la galerie.

Les bruits dans la mine continuaient avec la même violence : il n’y a pas de mots pour rendre l’intensité de cet horrible tapage, et les détonations du canon se mêlant au tonnerre et à des éboulements n’en eussent pas produit un plus formidable.

Effarés, affolés d’épouvante, nous nous regardions, cherchant dans les yeux de notre voisin des explications que notre esprit ne nous donnait pas.

– C’est le déluge, disait l’un.

– La fin du monde.

– Un tremblement de terre.

– Le génie de la mine, qui se fâche et veut se venger.

– Une inondation par l’eau amoncelée dans les vieux travaux.

– Un trou que s’est creusé la Divonne.

Cette dernière hypothèse était de moi. Je tenais à mon trou.

Le magister n’avait rien dit ; et il nous regardait les uns après les autres, haussant les épaules, comme s’il eût discuté la question en plein jour, sous l’ombrage d’un mûrier en mangeant un oignon.

– Pour sûr c’est une inondation, dit-il enfin et le dernier, alors que chacun eut émis son avis.

– Causée par un tremblement de terre.

– Envoyée par le génie de la mine.

– Venue des vieux travaux.

– Tombée de la Divonne par un trou. Chacun allait répéter ce qu’il avait déjà dit.

– C’est une inondation, continua le magister.

– Eh bien, après ? d’où vient-elle, dirent en même temps plusieurs voix.

– Je n’en sais rien, mais quant au génie de la mine, c’est des bêtises ; quant aux vieux travaux, ça ne serait possible que si le troisième niveau seul avait été inondé, mais le second l’est et le premier aussi : vous savez bien que l’eau ne remonte pas et qu’elle descend toujours.

– Le trou.

– Il ne se fait pas de trous comme ça, naturellement.

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