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Ma carte me dit que si par Charolles nous nous dirigions directement sur Mâcon, nous éviterions un long détour et bien des journées de marche ; mais c’est là une résolution hardie dont nous n’osons ni l’un ni l’autre nous charger après avoir discuté le pour et le contre, car le Cygne peut s’être arrêté en route et alors nous le dépassons ; il faudrait donc revenir sur nos pas, et pour avoir voulu gagner du temps, en perdre.

Nous descendons la Saône depuis Chalon jusqu’à Lyon.

C’est là qu’une difficulté vraiment sérieuse se présente : le Cygne a-t-il descendu le Rhône ou bien l’a-t-il remonté ? en d’autres termes madame Milligan a-t-elle été en Suisse ou dans le midi de la France ?

Au milieu du mouvement des bateaux qui vont et viennent sur le Rhône et sur la Saône, le Cygne peut avoir passé inaperçu : nous questionnons les mariniers, les bateliers et tous les gens qui vivent sur les quais, et à la fin nous obtenons la certitude que madame Milligan a gagné la Suisse ; nous suivons donc le cours du Rhône.

— De la Suisse on va en Italie, dit Mattia, en voilà encore une chance ; si courant après madame Milligan, nous arrivions à Lucca, comme Cristina serait contente.

Pauvre cher Mattia, il m’aide à chercher ceux que j’aime, et moi je ne fais rien pour qu’il embrasse sa petite sœur.

À partir de Lyon nous gagnons sur le Cygne, car le Rhône aux eaux rapides ne se remonte pas avec la même facilité que la Seine. À Culoz il n’a plus que six semaines d’avance sur nous ; cependant, en étudiant la carte, je doute que nous puissions le rejoindre avant la Suisse, car j’ignore que le Rhône n’est pas navigable jusqu’au lac de Genève, et nous nous imaginons que c’est sur le Cygne que madame Milligan veut visiter la Suisse, dont nous n’avons pas la carte.

Nous arrivons à Seyssel, qui est une ville divisée en deux par le fleuve au-dessus duquel est jeté un pont suspendu, et nous descendons au bord de la rivière ; quelle est ma surprise, quand de loin je crois reconnaître le Cygne.

Nous nous mettons à courir : c’est bien sa forme, c’est bien lui, et cependant il a l’air d’un bateau abandonné : il est solidement amarré derrière une sorte d’estacade qui le protégé, et tout est fermé à bord ; il n’y a plus de fleurs sur la verandah.

Que s’est-il passé ? Qu’est-il arrivé à Arthur ?

Nous nous arrêtons, le cœur étouffé par l’angoisse.

Mais c’est une lâcheté, de rester ainsi immobiles ; il faut avancer, il faut savoir.

Un homme que nous interrogeons veut bien nous répondre ; c’est lui qui justement est chargé de garder le Cygne.

— La dame anglaise qui était sur le bateau avec ses deux enfants, un garçon paralysé et une petite fille muette, est en Suisse. Elle a abandonné son bateau parce qu’il ne pouvait pas remonter le Rhône plus loin. La dame et les deux enfants sont partis en calèche avec une femme de service ; les autres domestiques ont suivi avec les bagages ; elle reviendra à l’automne pour reprendre le Cygne, descendre le Rhône jusqu’à la mer, et passer l’hiver dans le Midi.

Nous respirons : aucune des craintes qui nous avaient assaillis n’était raisonnable ; nous aurions dû imaginer le bon, au lieu d’aller tout de suite au pire.

— Et où est cette dame présentement ? demanda Mattia.

— Elle est partie pour louer une maison de campagne au bord du lac de Genève, du côté de Vevey ; mais je ne sais pas au juste où ; elle doit passer là l’été.

En route pour Vevey ! À Genève nous achèterons une carte de la Suisse, et nous trouverons bien cette ville ou ce village. Maintenant le Cygne ne court plus devant nous ; et puisque madame Milligan doit passer l’été dans sa maison de campagne, nous sommes assurés de la trouver : il n’y a qu’à chercher.

Et quatre jours avoir après quitté Seyssel, nous cherchons, aux environs de Vevey, parmi les nombreuses villas, qui, à partir du lac aux eaux bleues, s’étagent gracieusement sur les pentes vertes et boisées de la montagne, laquelle est habitée par madame Milligan, avec Arthur et Lise : enfin, nous sommes arrivés ; il est temps, nous avons trois sous en poche, et nos souliers n’ont plus de semelle.

Mais Vevey n’est point un petit village comme nous l’avions tout d’abord imaginé, c’est une ville, et même plus qu’une ville ordinaire, puisqu’il s’y joint, jusqu’à Villeneuve, une suite de villages ou de faubourgs qui ne font qu’un avec elle : Blonay, Corsier, Tour-de-Peilz, Clarens, Chernex, Montreux, Veyteaux, Chillon. Quant à demander madame Milligan, ou tout simplement une dame anglaise accompagnée de son fils malade, et d’une jeune fille muette, nous reconnaissons bien vite que cela n’est pas pratique : Vevey et les bords du lac, sont habités par des Anglais et des Anglaises, comme le serait une ville de plaisance des environs de Londres.

Le mieux est donc de chercher et de visiter nous-mêmes toutes les maisons où peuvent loger les étrangers : en réalité cela n’est pas bien difficile, nous n’avons qu’à jouer notre répertoire dans toutes les rues.

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