Avec le retour d’Adamsberg à Paris, la routine reprit ses droits à la Brigade, sans nul cas « remarquable » susceptible de capter l’attention du commissaire. Du point de vue d’un flic, ce rare ralentissement des affaires était une aubaine à saisir. Beaucoup profitaient de cette période d’allègement pour réduire le rythme, récupérer, traîner à l’heure du repas, se consacrer à d’autres tâches, tel Danglard à ses recherches héraldiques – c’était sa préoccupation du moment – ou Voisenet à sa passion pour les poissons, spécialement d’eau douce. Le dépérissement de ces animaux sous l’effet du réchauffement et de la pollution l’atteignait comme s’il eût été poisson lui-même. D’autres, tels Mercadet et Froissy, génies de l’informatique, aspiraient à une longue et complexe recherche, qui ne venait pas. Retancourt, une femme dont l’action constituait l’essence même de son tempérament, partait en longues promenades à pas rapides pour expulser son trop-plein de puissance. Quant à Adamsberg, derrière son indolence, sa haine radicale du meurtre, son exaspération face aux tueurs furtifs, voilés, qui traversaient sa route sans qu’il puisse en deviner le moindre contour, se trouvaient privées d’exutoire et d’assouvissement, et il traversait les vieux bureaux avec plus de lenteur encore que d’habitude. Il s’ennuyait, très visiblement, mais ses collègues ne s’en inquiétaient pas, sachant depuis longtemps que le commissaire était très capable de vivre l’ennui sans que cela l’ennuie. Et que son esprit, pour une raison tout à fait incompréhensible, y compris à Adamsberg lui-même, traînait toujours à Louviec. Dès son retour, il s’était abonné en ligne à
La pause dura peu. Huit jours après l’assassinat de Gaël Leuven, Anaëlle Briand, une jeune femme d’une trentaine d’années qui tenait avec sa cousine le magasin d’électroménager, avait été trouvée poignardée de deux coups de couteau à quelques mètres de sa boutique. Nul n’ignorait, précisait
Une photo et un encadré accompagnaient le texte sous le titre « Anaëlle Briand était aimée de tous » : « Cet effroyable assassinat a plongé Louviec dans la stupeur. En effet, nul ne voit qui aurait pu en vouloir à la jeune femme. Les deux cousines étaient la gentillesse même, chaleureuses et souriantes avec tous les clients. Chacun s’accorde à dire que la mort sauvage d’Anaëlle est un insaisissable mystère. »
Adamsberg nota la date et les quelques faits dans son carnet. En même temps qu’il surveillait son téléphone. Le meurtre avait été découvert la veille à vingt-deux heures. Matthieu avait dû peu dormir, non plus que le légiste. Et depuis ce matin, il devait aller d’interrogatoire en interrogatoire. Mais ce n’était cependant pas dans les habitudes de Matthieu de ne pas même lui passer un message pour l’informer. Peut-être s’était-il fait reprocher par son divisionnaire l’ingérence d’Adamsberg dans une affaire dont il n’avait pas à se mêler.