Читаем Sur la dalle полностью

— Cela va de soi. Un conseil, Adamsberg, pas un mot de travers : ça fait presque trois semaines de cela, et le Bossu – pardon, Maël – a clairement donné ses consignes, ses ordres même : qu’il n’entende plus jamais parler de sa malformation, qu’on lui foute la paix avec ça et qu’on l’appelle par son prénom, Maël. Comme s’il voulait rayer son passé. Il en a tellement bavé quand il était gosse, sans cesse moqué, battu, tenu à l’écart. En revanche, il était toujours le premier de la classe, ça compensait, on avait besoin de lui pour les devoirs. Mais comme tu vois, il persiste à ne pas dîner avec les autres. Une habitude. Je pense que ça lui passera. Et sur son tabouret, il est sous la protection indéfectible du patron, le grand Johan.

— Pour ce que j’en ai vu, les gens sont pourtant bienveillants avec lui.

— Ils le sont et il y a de quoi. C’est que le mec est serviable, et même empressé, craignant toujours de déplaire. Le doc dit qu’il cherche encore à être aimé, envers et contre tout, comme quand il était môme. Mais en douce, quelques-uns le fuient comme le diable. Tu sais que les bossus avaient le malheur, en plus de leur difformité, d’être considérés comme des serviteurs du démon. Et ici, tu l’as vu, ils ne sont pas avares en superstitions.

— Et pourquoi il a une attelle et un plâtre au bras gauche ?

— Pour l’empêcher de bouger jusqu’à ce que la cicatrisation soit terminée. Il en a pour six bonnes semaines.

La porte s’ouvrit violemment et une femme affolée surgit dans la salle :

— Le Boiteux ! Herveline dit qu’il a passé sous sa fenêtre ! Elle n’ose plus mettre un pied dehors.

— Et merde, dit Matthieu en vidant son verre cul sec.

— Et pourquoi elle n’a pas envoyé son mari ? demanda Maël.

— Parce qu’Erwann dit que c’est des sornettes. Il l’a même pas entendu, le Boiteux, c’est ce qu’il a dit. Mais il est quand même sorti et il n’a rien vu.

Maël descendit lentement de son tabouret – la douleur se faisait encore sentir – mais sans se contorsionner comme il le faisait avant et s’approcha de la table.

— Erwann a raison. Et vous, qui n’êtes pas des imbéciles, cessez de croire à ces boniments et celui qui s’en amuse se lassera.

— Maël a raison, dit l’aubergiste. Tout ce qu’on fait, c’est d’encourager ce type en se planquant sous notre lit dès qu’on l’entend. Un homme comme Erwann, lui, il a de la jugeote et du cran. Mais il n’arrivera pas à choper cet emmerdeur tout seul. Faut aider.

— Je propose, reprit Maël, qu’on fasse une battue chaque soir dans les environs immédiats. Faites circuler autour de vous. Qui est pour ?

Les bras se levèrent et le plan de Maël fut voté à l’unanimité, suivi d’une tournée offerte par Johan à ces hommes soudain devenus très fiers de leur tout nouveau courage.

<p>VI</p>

Dans le train du retour, Danglard annonça à Adamsberg la capture de Sim l’anguille, dans un hôtel modeste à vingt pas du Dé Chanceur. La découverte de sa nouvelle planque revenait à Estalère. Ils avaient trouvé Simon en compagnie de cinq hommes armés. Ils n’étaient venus qu’à trois, et avaient hésité à appeler des renforts.

Le lieutenant Retancourt, qu’Adamsberg considérait comme la déesse polyvalente de la Brigade, en raison d’une puissance ahurissante qu’elle pouvait, selon lui, convertir en talents multiples au gré des situations, à l’exception de la délicatesse et de la grâce, s’était opposée fermement à l’option « appeler des renforts ». À trop attendre, ils risquaient de se faire repérer et de perdre leurs proies. Retancourt avait donc ouvert sans bruit la serrure avec son passe et était entrée la première – ce genre de gars ne craint pas une femme, si imposante soit sa carrure –, suivie dans l’ombre par le brigadier Noël et le lieutenant Veyrenc. Avant de donner la moindre explication ou réponse aux questions, elle avait mis au sol trois des hommes, sérieusement sonnés, dont Sim. Le terrain était déjà bien dégagé et elle tenait Sim sous la menace de son arme, permettant à Noël et Veyrenc d’immobiliser un quatrième comparse. Deux étaient en fuite. Le canon du pistolet sous le cou, Sim avait compris qu’il n’avait pas affaire à un adversaire ordinaire et avait livré l’emplacement où était planquée la marchandise.

Adamsberg sourit, imaginant précisément la scène. Entre-temps lui était parvenu un message de Matthieu qui l’informait que des recherches plus poussées du médecin légiste indiquaient clairement que le couteau avait été utilisé par un gaucher. Les profondes entailles déviaient en effet un peu vers la droite. Cela changeait tout pour le commissaire, ne lui restait plus qu’à lister les gauchers. Adamsberg s’éloigna dans le sas pour téléphoner à son collègue.

— Combien d’habitants à Louviec ? demanda-t-il.

— Mille deux cent vingt-trois.

— Tu retires les moins de quinze ans, restent environ mille, calcula Adamsberg en consultant les courbes d’âge sur son portable.

— Et les personnes âgées.

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