Читаем Sur la dalle полностью

— Tu t’accordes avec moi pour dire qu’on ne fait pas chanter un Robic. Quoi que tu en dises, la seule raison qui pousse Robic à accéder à la demande du tueur, et je l’ai dit à l’auberge et te le répète, c’est bien le sourd désir d’être débarrassé du médecin. Qui sait quelque chose à propos du testament, mais Robic ignore quel danger représente au juste ce « quelque chose ». Depuis des années, cette interrogation lui pèse. Et puisqu’il est exigé dans cette fameuse lettre de faire croire à un crime de l’assassin de Louviec, il saisit cette occasion en or de se défaire de Jaffré et en confie l’exécution à un de ses sbires. Ce dont nous sommes certains, c’est qu’il n’a pas décidé de lui-même de l’éliminer. Car il ne connaissait pas les détails de la mise en scène d’un crime « à la Louviec ». Il les a appris par la fameuse lettre.

— L’œuf.

— L’œuf. Et frapper de la gauche.

— Mais cette fois, selon le légiste, le coup est bien parti du bras gauche mais la lame s’est enfoncée tout droit.

— Détail ignoré par Robic : le sbire qu’il a choisi était un vrai gaucher, dont les coups furent plus puissants que ceux de notre homme de Louviec. Quant à l’absence de piqûres de puces, elle prouve la même chose : notre tueur de village ne se doute pas un instant de l’existence de cet élément si signifiant sur les victimes et ne l’a donc pas mentionné dans sa lettre. Tu as convoqué nos troupes à l’auberge ?

— Ils nous attendent.

<p>XXVII</p>

Les deux hommes entrèrent à l’auberge sous la pluie et commandèrent du café bien chaud à Johan, qui essuyait ses verres au comptoir en les élevant vers la lumière pour s’assurer de leur propreté.

— C’est prévu, dit Johan.

Les six lieutenants avalaient en effet du café pour se réchauffer, et deux tasses attendaient déjà les commissaires.

Adamsberg fit déplacer l’équipe à la table la plus reculée de la salle.

— Tu veux être tranquille ? demanda Johan.

— Si possible, oui.

— Combien de temps ?

— Tu peux me donner une heure ?

— C’est comme si c’était fait, dit Johan.

L’aubergiste accrocha un écriteau à sa porte et ferma la serrure.

— Voilà, dit-il, l’auberge est à toi.

— Merci, Johan, dit Adamsberg en prenant place.

— Continue tes inventions, on t’écoute, dit Matthieu en se versant une pleine tasse de café.

— Pourquoi ses inventions ? demanda Retancourt, aussitôt sur la défensive.

— C’est lui-même qui me l’a dit : « Je ne sais pas, j’invente. »

— Je reprends à l’affaire du faux héritage, commença Adamsberg, en ignorant la légère ironie de Matthieu, qui ne le gênait en rien.

— Héritage qui peut être authentique, contra Matthieu.

— À mon idée, reprit Adamsberg sans s’attarder à l’interruption de son collègue, voici ce qui s’est passé, dans les grandes lignes. Tous les trafics et activités criminelles de Robic lui rapportent de l’argent mais pas assez à son goût. Les flics de Los Angeles commencent à rôder autour de son entreprise de vente de voitures et il sent que l’air américain devient malsain. Il doit partir. Non pas partir dans l’aisance mais partir en étant plus riche encore, très riche. C’est ainsi qu’il monte la formidable affaire de l’héritage. Cela fait déjà un moment que Robic médite un tel coup. Dès son arrivée à Los Angeles, il a monté un magasin de voitures de luxe, Jaguar, Porsche, Mercedes – cela, nous le savons –, précisément destiné à un cercle de privilégiés. En douze ans, grâce au caractère chaleureux, spontané et communicatif des Américains, prompts à se lier d’amitié en un seul jour – l’exemple du docteur Jaffré et de Donald Jameson en témoigne –, Robic, aidé par sa richesse, ses capacités de dominateur et d’imposteur, noue des relations de très bonne entente avec ses clients. Et c’est ainsi qu’il parvient à infiltrer le milieu de la haute société. Où les femmes arborent quantité de bijoux au cours des soirées, c’est-à-dire une mine potentielle à s’approprier pour la bande de Robic. Car aux États-Unis – contrairement à la France où c’est une marque de vulgarité – on ne cache pas sa fortune, on la proclame, on l’affiche, on l’exhibe.

— Si ton hypothèse est exacte, dit Veyrenc, Robic disposait d’un autre atout de grande importance : il était français. Or les Américains raffolent de la France, premier pays touristique du monde. Ils l’aiment pour son histoire, ses monuments, ses châteaux, sa gastronomie, ses vins, et cet engouement s’étend à ses habitants dont ils apprécient – à leur idée – la politesse, les « bonnes manières », le « bon goût », qu’il s’agisse de meubles anciens, de tableaux, et bien sûr d’habillement. Le fameux concept de l’« élégance française », surtout celle des femmes, règne toujours en maître là-bas. Ajoute à cela qu’ils trouvent l’accent français savoureux. Tous ces préjugés favorables ont dû beaucoup faciliter la tâche de Robic, et il est probable que Le Guillou l’accompagnait aux soirées huppées où il était convié.

— Pourquoi Le Guillou ?

— Parce qu’il était beau, Jean-Baptiste. De quoi attirer les femmes autour d’eux et les faire bavarder.

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