Читаем Том 10. Былое и думы. Часть 5 полностью

Rappelez-vous l'existence sombre de ces temps poétisés de la chevalerie? – Un mari terrible, Raoul Barbe Bleu, armé jusqu'aux dents, jaloux, sans pitié, à côté un moine, aux pieds nus, fou par fanatisme, prêt à venger sur les autres ses privations, sa lutte mutile, – des écuyers, des geôliers, des bourreaux… – et quelque part dans un donjon ou une tourelle, dans une cave ou une oubliette – une jeune femme en larmes, le désespoir dans le cœur, un page enchaîné… et pas une âme qui s'en inquiète. Tout est inexorable dans ce monde, partout la force, l'arbitraire, le sang, l'esprit borné… et les sons nasillards d'une prière latine.

Mais derrière le dos du moine, du confesseur, du geôlier – complices du mari – sentinelles féroces de l'honneur du mariage, en compagnie avec les frères et les oncles de l’époux et de l’épouse… se forme la legende populaire, retentit la complainte – et s'en va d'un village à l'autre, d'un château à l'autre… avec le troubadour ou le minnesinger chantant les malheurs de la femme… la complainte est toujours pour elle. Le tribunal sévit – la chanson absout. L'église maudit l'amour hors du mariage, la chanson maudit le mariage sans amour. Elle prend cause et fait pour le page amoureux, pour la femme aimante, pour la fille opprimée – non par des raisonnements, mais par les larmes, par la compassion. La chanson populaire – c'est la prière laïque du peuple, l'autre issue dans sa vie de misère, de travail, de faim, d'angoisse. Les jours de fête après les lithanies à la Vierge – on pleurait les complaintes pour la malheureuse femme, que l'on n'attachait pas au pilori – mais pour laquelle on priait – et que l'on recommandait à protection et aide – de la Mater dolorosa.

Des chansons et complaintes – la protestation s'accrut peu a peu – en roman et drame. Dans le drame elle devient force. L’amour offensé, refoulé, les noires mystères de la vie de famille – ont acquis leur tribune, leur tribunal, leurs jurés. Les jurés du parterre et des loges – acquittaient toujours les personnes et accusaient les institutions…

Bientôt le monde commençant à se séculariser, soutenant le ariage – cède. Le mariage perd en partie son caractère relieux et acquiert une nouvelle force policière et administrative. Le mariage chrétien ne pouvait se justifier que par l'intervention d'une force divine – il y avait une logique en cela, login folle… mais conséquente. Le fonctionnaire de l'Etat qui met son écharpe tricolore et vous marie le code en main – est plus absurde que ne l'est le prêtre – officiant dans son costume sacerdotal, entouré de bougies, d'encens, de musique. La prenier consul Bonaparte lui-même – l'homme le plus prosaïquement bourgeois par rapport à l'amour, à la famille – s'était aperçu que le mariage dans une maison de police était par trop piètre – et demandait à Cambacérès – d'ajouter quelques phrases obligatoires aux paroles du maire, quelque chose de relatif «au devoir de la femme de rester fidèle à son mari» (du mari pas un mot) – de lui obéir, etc.

Dès que le mariage sort des domaines de l'église, il devient un expédient, une simple mesure d'ordre publique. C'est aussi de ce point de vue que l'on envisage les nouveaux Barbe Bleu – législateurs et notaires – rasés et poudrés, en perruques d'avocats en soutane de juge – prêtres du Code Civil et apôtres de la Chambre des Députés.

Le mariage civil n'est au fond qu'une mesure économique, l'émancipation de l'Etat de la lourde charge d'éducation – et l'asservissement renforcé de l'homme à la propriété. Le mariage sans l'intervention de l'église devient un engagement pur et simple, engagement à vie de deux individus qui se livrent mutuellement. Le législateur ne s'inquète pas de leurs croyances, de leur foi, – il n'exige que la fidélité au contrat et s'il est rompu – il trouvera des moyens pour le punir. Et pourquoi pas? En Angleterre, dans ce pays classique du droit individuel – on emploie des punitions inhumaines contre de pauvres enfants de seize ans – enrôlés entre deux verres de gin par un vieux débauché de soldat – un mucker de caserne – au profit d'un régiment de Sa Majesté. – Pourquoi donc ne pas punir par l'opprobre, la honte, la ruine, la petite fille qui déserte – après s'être engagée, sans bien savoir ce qu'elle fait, à aimer à perpétuité un homme qu'elle a à peine connu – plus encore, on la livre à son ennemi, à son propriétaire, comme le déserteur à son lupanar de sang – le régiment, lui, il saura de son côté la punir pour avoir oublié que le mariage comme les season-tickets ne sont pas transférables.

Les «Barbe Bleu» rasés trouvèrent aussi leur troubadours et romanistes. Contre le mariage – contrat indissoluble – s'élève bientôt le dogme psychiatrique, physiologique, – le dogme de la puissance absolue de la passion et de l'incompétence de l'homme à lutter contre elle.

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