Vous m’annoncez une traduction en vers de mon «Бахчисарайский фонтан». Je suis sûr qu’elle vous réussira comme tout ce qui sort de votre plume, quoique le genre de littérature auquel vous vous adonnez soit le plus difficile et le plus ingrat que je connaisse. A mon avis rien n’est plus difficile que de traduire des vers russes en vers français, car vu la concision de notre langue, on ne peut jamais être aussi bref. Honneur donc à celui qui s’en acquitte aussi bien que vous.
Adieu, je ne désespère pas de vous voir bientôt dans notre capitale; vu votre facilité de locomotion. Tout à vous,
A. Pouchkine. {163}
744. В. А. СОЛЛОГУБУ
17 ноября 1836 г.
В Петербурге.
Je n’hésite pas à écrire ce que je puis déclarer verbalement. J’avais provoqué M-r G. Heckern en duel, et il l’a accepté sans entrer en aucune explication. C’est moi qui prie Messieurs les témoins de cette affaire de vouloir bien regarder cette provocation comme non avenue, ayant appris par la voix publique que M-r Georges Heckern était décidé à déclarer ses projets de mariage avec M-lle Gontcharof, après le duel. Je n’ai nul motif d’attribuer sa résolution à des considérations indignes d’un homme de coeur.
Je vous prie, Monsieur le Comte, de faire de cette lettre l’usage que vous — jugerez à propos.
Agréez l’assurance de ma parfaite considération
A. Pouchkine.
17 Novembre 1836. {164}
745. М. Л. ЯКОВЛЕВУ
19 ноября 1836 г.
В Петербурге.
Милый и почтенный мой Михайло Лукьянович! виноват! я было тебя зазвал сегодня к себе отобедать, а меня дома не будет. До другого раза, прости великодушно. Не забудь записку о святых доставить мне, грешному.
746. Л. ГЕККЕРЕНУ
17 — 21 ноября 1836 г.
В Петербурге.
Monsieur le Baron,
Avant tout permettez-moi de faire le résumé de tout ce qui vient de se passer. La conduite de M-r votre fils m’était entièrement connue depuis longtemps et ne pouvait m’être indifférente; mais comme elle était restreinte dans les bornes des convenances et que d’ailleurs je savais combien sur ce point ma femme méritait ma confiance et mon respect, je me contentais du rôle d’observateur quitte à intervenir lorsque je le jugerai à propos. Je savais bien qu’une belle figure, une passion malheureuse, une persévérance de deux années finissent toujours par produire quelque effet sur le coeur d’une jeune personne et qu’alors le mari, à moins qu’il ne fût un sot, deviendrait tout naturellement le confident de sa femme et le maître de sa conduite. Je vous avouerai que je n’étais pas sans inquiétude. Un incident, qui dans tout autre moment m’eût été très désagréable, vint fort heureusement me tirer d’affaire: je reçus des lettres anonymes. Je vis que le moment était venu, et j’en profitai. Vous savez le reste: je fis jouer à M-r votre fils un rôle si grotesque et si pitoyable, que ma femme, étonnée de tant de plattitude, ne put s’empêcher de rire et que l’émotion, que peut-être avait-elle ressentie pour cette grande et sublime passion, s’éteignit dans le dégoût le plus calme et le mieux mérité.
Mais vous, Monsieur le Baron, vous me permettrez d’observer que le rôle à vous dans toute cette affaire n’est pas des plus convenables. Vous, le représentant d’une tête couronnée, vous avez été
Vous voyez que j’en sais long: mais attendez, ce n’est pas tout: je vous disais bien que l’affaire se compliquait. Revenons aux lettres anonymes. Vous vous doutez bien qu’elles vous intéressent.
Le 2 de novembre vous eûtes de monsieur votre fils une nouvelle qui vous fit beaucoup de plaisir. Il vous dit que je suis irrité, que ma femme craignait… qu’elle perdait la tête. Vous résolûtes frapper un coup que l’on croyait décisif. Une lettre anonyme fut composée par vous.
Je reçus trois exemplaires de la dizaine que l’on avait distribuée. Cette lettre avait été fabriquée avec si peu de précaution qu’au premier coup d’oeil je fus sur les trâces de l’auteur. Je ne m’en inquiétais plus, j’étais sûr de trouver mon drôle. Effectivement, avant trois jours de recherches, je savais positivement à quoi m’en tenir.
Si la diplomatie n’est que l’art de savoir ce qui se fait chez les autres et de se jouer de leurs projets, vous me rendrez la justice d’avouer que vous avez été vaincu sur tous les points.