Maintenant je te dois quelques mots sur mon s'ejour `a Wildbad. C’est le lendemain du jour o`u je t’avais 'ecrit de Carlsruhe que j’arrivais dans ce lieu sauvage, peupl'e pour le moment de la pr'esence de la Chanceli`ere. Pas besoin de dire que j’en ai 'et'e recu avec toute la pudique effusion d’une affection aussi r'eelle que r'eserv'ee. Je la trouvai un peu d'emoralis'ee par son isolement, car elle n’avait aupr`es d’elle que sa fille Chreptovitch, quelque peu ennuy'ee aussi du s'ejour que sa pi'et'e filiale lui faisait subir. Quant `a la soci'et'e de l’endroit, elle 'etait compos'ee en grande majorit'e de toute sorte d’infirmes: perclus, boiteux, culs-de-jatte ou `a peu pr`es. Repr'esente-toi le fauteuil du vieux C
Contre mon attente j’ai rencontr'e `a Wildbad plus de 100 personnes de ma connaissance allemande que je n’en avais vu `a Bade, entr’autres l’ami Parceval que j’ai trouv'e 'etonnamment vieilli, et le gros Helmstadt, le neveu de la Braga, toujours gros et frais et de plus mari'e!.. Il y avait encore en fait d’indig`ene quelque temps m'ediatis'e, un L"owenstein, protestant qui m’a appris avec indignation que sa cousine, la veuve de Const
Il va sans dire que dans les immenses loisirs de ce s'ejour d'ecid'ement alpestre, la majeure partie de mon temps 'etait exclusivement consacr'ee `a celle qui m’y avait attir'e. Nous nous voyions d’abord le matin `a la source; puis, `a trois heures de l’apr`es-midi je venais la chercher pour la promenade. Puis je d^inais — et tr`es bien — avec ces dames et chez elles.
Et le reste du jour 'etait tout `a jouir… Aussi lorsqu’apr`es huit jours de cette douce entente il a fallu se s'eparer, nos adieux ont 'et'e des plus tendres, et l’arbre de notre amiti'e sous la b'enigne influence du soleil de Wildbad a pouss'e de nouveaux rejetons… Au sortir de l`a j’allai par le chemin de fer `a Heidelberg o`u je couchai, et le lendemain je profitai de quelques 'eclaircies pour visiter la splendide ruine qui m’a paru plus belle que jamais. Dans mon ardeur j’avais pris un 'elan qui me portait tout au sommet de la montagne et bien au-dessus du ch^ateau. Mais cet exc`es de z`ele fut amplement r'ecompens'e par la vue d’un des plus magnifiques panoramas qui se soient jamais d'eroul'es sous mes yeux. La plaine au loin immense et bleu^atre, laissant luire de loin en loin les sinuosit'es du Neckar, et sous mes pieds ce monde de verdure lustr'ee, 'eclatante sur laquelle se d'etachaient ces admirables pierres, si chaudes de ton et de formes si gracieuses. Ah, le beau pays! Mais il est ridicule d’en parler, `a moins d’y ^etre. C’est raconter de la musique.