Quant `a ce retour, voici l’itin'eraire que j’ai adopt'e. Et d’abord un mot de ta voiture. Apr`es m^ur examen nous avons reconnu, mon fr`ere et moi, que le transport de la voiture par la voie de fer jusqu’`a Stettin et de l`a par le bateau `a vapeur `a Kronstadt reviendrait 'enorm'ement cher (sur le chemin de fer, p ex, une voiture comme la tienne paye 11
/2 'ecu de Prusse par mille d’Allemagne, sans qu’il fut permis au propri'etaire de s’y placer). C’est pourquoi nous nous sommes d'ecid'es `a exp'edier la dite voiture par la voie du Rhin, jusqu’`a Rotterdam o`u elle sera embarqu'ee sur un b^atiment marchand, de sorte que son transport, effectu'e par cette voie, reviendra tout au plus `a une centaine de florins, tandis qu’il aurait co^ut'e le triple, en emmenant la voiture avec moi. Quant `a moi, je suis d'ecid'e `a rentrer par Varsovie, o`u je trouverai une voiture du Comte Orloff* qu’il a mis `a ma disposition avec toute sorte d’instance de m’en servir, de pr'ef'erence `a tout autre moyen de transport. L’itin'eraire en question a le grand avantage de me faire faire presque la moiti'e du voyage par le chemin de fer, attendu que je vais le prendre `a 40 lieues de Francfort et qu’il me conduit, sauf une lacune, jusqu’`a Varsovie m^eme. Cela me fait 'echapper aussi ici l’inconv'enient d’une travers'ee de mer aux approches de l’'equinoxe. Eh bien, que dis-tu de cet arrangement. N’est-il pas tr`es pratique et tr`es bien imagin'e. Mais ne vas pas t’effrayer de l’id'ee que par cette voie je te reviendrai plut^ot que tu ne le voudrais, car j’ai encore Weimar sur les bras, et Dieu sait si j’en serai quitte `a moins d’une dizaine de jours. Tu as `a peu pr`es devin'e le projet auquel je faisais allusion dans une de mes lettres, sauf seulement que ce n’est pas aupr`es de la Grande-Duchesse M est que je voudrais pouvoir placer Anna, mais aussi de sa future belle-soeur, la future G-Duchesse Constantin*, et c’est doit assurer quelque chance de succ`es `a ce projet, par l’entremise de la Grande-Duchesse de Weimar que je me trouve dans le cas de devoir m’arr^eter `a Weimar plus longtemps probablement que cela ne m’amusera. J’aime `a croire que dans cette circonstance au moins Clotilde cherchera un peu `a utiliser pour la ni`ece l’affection qu’elle pr'etend lui porter. Je t’avoue que la r'eussite de cette affaire me comblerait de joie, ce serait un bien lourd fardeau qui me serait ^oter de dessus le coeur, un fardeau qui m’'ecrase et m’irrite… plus que je ne veux le dire…