Le vin sait rev^etir le plus sordide bouge D'un luxe miraculeux,Et fait surgir plus d'un portique fabuleux Dans l'or de sa vapeur rouge,Comme un soleil couchant dans un ciel n'ebuleux.L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes, Allonge l'illimit'e,Approfondit le temps, creuse la volupt'e, Et de plaisirs noirs et mornesRemplit l'^ame au del`a de sa capacit'e.Tout cela ne vaut pas le poison qui d'ecoule De tes yeux, de tes yeux verts,Lacs o`u mon ^ame tremble et se voit `a l'envers… Mes songes viennent en foulePour se d'esalt'erer `a ces gouffres amers.Tout cela ne vaut pas le terrible prodige De ta salive qui mord,Qui plonge dans l'oubli mon ^ame sans remord, Et, charriant le vertige,La roule d'efaillante aux rives de la mort!
On dirait ton regard d'une vapeur couvert;Ton oeil myst'erieux (est-il bleu, gris ou vert?)Alternativement tendre, r^eveur, cruel,R'efl'echit l'indolence et la p^aleur du ciel.Tu rappelles ces jours blancs, ti`edes et voil'es,Qui font se fondre en pleurs les coeurs ensorcel'esQuand, agit'es d'un mal inconnu qui les tord,Les nerfs trop 'eveill'es raillent l'esprit qui dort.Tu ressembles parfois `a ces beaux horizonsQu'allument les soleils des brumeuses saisons…Comme tu resplendis, paysage mouill'eQu'enflamment les rayons tombant d'un ciel brouill'e!^O femme dangereuse, ^o s'eduisants climats!Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas,Et saurai-je tirer de l'implacable hiverDes plaisirs plus aigus que la glace et le fer?