Que diras-tu ce soir, pauvre ^ame solitaire,Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois fl'etri,`A la tr`es-belle, `a la tr`es-bonne, `a la tr`es-ch`ere,Dont le regard divin t'a soudain refleuri?— Nous mettrons notre orgueil `a chanter ses louanges:Rien ne vaut la douceur de son autorit'e;Sa chair spirituelle a le parfum des anges,Et son oeil nous rev^et d'un habit de clart'e.Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,Que ce soit dans la rue et dans la multitude,Son fant^ome dans l'air danse comme un flambeau.Parfois il parle et dit:"Je suis belle, et j'ordonneQue pour l'amour de moi vous n'aimiez que le Beau;Je suis l'Ange gardien, la Muse et la Madone."
Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumi`eres,Qu'un Ange tr`es-savant a sans doute aimant'es;Ils marchent, ces divins fr`eres qui sont mes fr`eres,Secouant dans mes yeux leurs feux diamant'es.Me sauvant de tout pi`ege et de tout p'ech'e grave,Ils conduisent mes pas dans la route du Beau;Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave;Tout mon ^etre ob'eit `a ce vivant flambeau.Charmants Yeux, vous brillez de la clart'e mystiqueQu'ont les cierges br^ulant en plein jour; le soleilRougit, mais n''eteint pas leur flamme fantastique;Ils c'el`ebrent la Mort, vous chantez le R'eveil;Vous marchez en chantant le r'eveil de mon ^ame,Astres dont nul soleil ne peut fl'etrir la flamme!