Читаем Vas-y, Béru ! полностью

— Allons prendre le train, ricané-je, je le prends si rarement !

— Et les morts?

— Ils sont morts. C'est une situation de tout repos !

— On prévient pas la volaille d'ici? réprouve cet homme de devoir.

— Oh ! dis, hier on s'est fait une surpate avec les perdreaux de Dijon, on va pas remettre ça cette nuit avec ceux d'Evian ! Ça devient le Tour de France de la Poule, la Grande Boucle.

Béru n'insiste pas et va chercher le râtelier d'Alonzo dans sa tire qu'il finit par dégauchir au milieu d'un troupeau de véhicules.

En partant nous laissons les loupiotes du garage allumées et la porte grande ouverte afin de faciliter à nos contemporains la découverte du drame.

— On en est à notre combien t'est-ce de macchabée? demande le Gros en ouvrant toute grande sa main de masseur pour une hâtive comptabilité.

Je récapitule.

— Hans Brocation qui fait un, le chauffeur de Jeannot qui fait deux, le veilleur de nuit du garage qui fait trois, et ton copain de Défourailleur qui nous amène à quatre. Plus une tentative d'assassinat sur la personne de La Meringue, une deuxième sur celle de Jean Méhunraillon et deux autres sur nos aimables personnes. En vingt-quatre heures c'est du résultat positif, non?

— Et en plus on a le maillot jaune, conclut Bérurier en brandissant le dentier d'Alonzo.

<p>CHAPITRE X</p>

Nous marchons le long du lac. Il fait une véry belle nuit d'été, avec des étoiles, de la moiteur, des lumières et de la musique. Un vrai film d'Hollivode en supra-colore-arc-en-ciélisé. Je pense très fortement à cette histoire farfelue et sanglante. Béru aussi, qui marche à mon côté d'un pas pachydermique. Le masseur ivrogne de l'équipe Fafatrin se fait flinguer. Le directeur sportif de l'équipe Fafatrin se fait flinguer (son chauffeur est tué), et un tueur à gages chevronné, reconnu d'inutilité publique, vient opérer une descente dans le garage de l'équipe Fafatrin, en amenant un camion bourré de vélos pareils à ceux qu'utilisent les coureurs de l'équipe Fafatrin. Voilà qui est troublant, non? Tout tourne autour de la maison Fafatrin.

— Y a que La Meringue que je ne m'explique pas, murmuré-je.

J'ai parlé pour moi. Quand on pense trop intensément, votre gamberge finit par refaire surface. Le Béru qui a une cervelle mitoyenne mate par-dessus le muret séparant nos matières grises, hoche la tête, et murmure :

— Tu veux dire qu'il n'avait rien à voir avec les Fafatrin's boys?

— Exactement.

— Il avait tout de même à voir qu'il était l'intime de Brocation et qu'il zonait dans sa chambre.

— En effet, c'est le seul point de raccordement, Fils !

Tout naturellement, nos pas nous ont conduits devant le casino illuminé.

— On entre? je propose à Sa Majesté.

Béru s'éclaire comme la façade du bâtiment.

— Bonne idée. J'ai même envie de flamber un peu pour voir.

J'adresse à Berthe une pensée fugace.

— M'est avis que tu gagneras, prophétisé-je.

Il y a beaucoup de monde dans le grand hall. La fiesta se répercute jusqu'ici. Je ne sais pas pourquoi ça rend les habitants d'une ville heureux d'héberger le Tour de France? Ça les dope. On dirait qu'ils viennent de toucher des crédits fabuleux pour déguiser leur patelin en Éden.

Le Gros et moi on se prend une carte d'accès pour les jeux et nous pénétrons dans le sanctuaire. Là, c'est quasi le silence. C'est le recueillement. On n'entend que les voix mécaniques des prêtres-croupiers en train d'officier et le frisson bien huilé de la roulette.

Nous nous approchons d'une table cernée par des gens compassés, s'exerçant à l'impassibilité.

— Faites vos jeux, psalmodie le croupeton.

Béru farfouille dans ses sacoches, sort une pièce de cinq francs et la virgule sur le tapis vert en criant :

— Va gagner ta vie mon kiki !

— Je joue à la téméraire, explique le Gros à la ronde. Le pognon choisit son numéro.

Lors, un croupier réprobateur, lui explique qu'on ne doit pas poser d'argent sur le tapis, mais des plaques. D'un râteau écœuré, il lui refoule sa pauvre pièce.

— Suis-moi, on va aller changer de la fraîche, lui dis-je.

Penaud, il me file le train jusqu'à la banque où des messieurs en smok drainent le flouze des clients. Parmi ces derniers, y a des damoches goitreuses de style Victorien, des barons gourmés, des financiers décrépits, des étrangers préoccupés aux doigts endiamantés et des gonzesses entretenues à la scène comme à la ville par des rois de trèfle séniles. Je reconnais parmi elles la directrice d'un théâtre parisien. A ce propos, des gens s'étonnent de voir la direction de nos salles de spectacle assumée de plus en plus par des femmes. La raison en est pourtant assez évidente : les fins de mois sont bien plus faciles pour une femme que pour un homme.

— J'ai idée que je vais leur éponger des paquets d'osier, affirme le Frémissant. Et pour te prouver que je suis pas du genre dégonflette, je risque mon magot privé.

Ayant dit, Béru ôte son soulier droit, puis sa chaussette.

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