Читаем Abzalon полностью

Lœllo avait la capacité de dénombrer ses adversaires sans les voir mais il restait incapable de les situer dans l’espace et dans le temps, ignorait donc de quel côté ils allaient surgir. Ces sept-là avaient bien préparé leur affaire : ils s’étaient d’abord tenus hors de portée de ses perceptions extrasensorielles, puis, lorsque leurs deux proies s’étaient aventurées dans cette cour cernée de hauts murs, ils s’étaient rapprochés, certains désormais qu’elles ne pourraient plus leur échapper. Son sang se glaça, son système nerveux s’engourdit, il contint à grand-peine une envie de vomir. Il lança un regard inquiet, presque implorant, à Abzalon dont les yeux se posaient comme des oiseaux affolés sur la porte métallique et sur les toits des bâtiments proches. Ils avaient décidé de faire une promenade après le dîner, s’étaient éloignés sans se rendre compte du centre de la prison originelle, égarés dans le réseau labyrinthique des passerelles et des ruelles, fourvoyés dans cette impasse sans savoir dans quelle partie du pénitencier ils se trouvaient. Près du premier mur sans doute, l’administration ayant condamné les passages souterrains ou aériens qui communiquaient avec les trois autres enceintes. Les ténèbres de plus en plus profondes occultaient le granit noir, estompaient les volumes, les perspectives, les étoiles scintillaient par intermittence entre les tourbillons de brume.

« Faut foutre le camp ! souffla Lœllo.

— Surtout pas, répliqua Abzalon à voix basse. Restons au milieu de la cour. De l’autre côté de la porte, on n’aurait aucune chance.

— Et s’ils ont des étoiles à six… »

Lœllo se tut car il lui sembla détecter, au-dessus de lui, des frottements qui se glissaient entre les chuintements étouffés du granit, les froissements d’une étoffe sur une surface dure. La sensation d’être parvenu au terme de son voyage le traversa, une tristesse déchirante l’envahit. Il n’estimait pas juste de mourir si loin des siens, sur le territoire des Qvals, ces descendants, selon les frères omniques, des démons primitifs qui transformèrent les humains en animaux et les maintinrent en esclavage pendant plus de cent siècles. Les racines devenaient terriblement résistantes et encombrantes au seuil de la mort. Il ne pourrait partir en paix sans avoir embrassé une dernière fois sa mère et ses sœurs, sans avoir obtenu le pardon de son père. Abzalon n’avait d’autre but que de grappiller quelques miettes de survie dans un environnement hostile, Lœllo cultivait l’espoir un peu fou de revenir parmi les siens. Il refusait d’être le « fzal » omnique, le maudit, l’homme par lequel arrivait le malheur. Cette crainte viscérale l’avait entraîné à accepter les compromis les plus sordides à l’intérieur du pénitencier, jusqu’à se placer sous la protection d’un Astaférien, d’un ennemi de l’Omni.

Une première silhouette dégringola du toit à trois pas d’eux, silencieuse, trahie par l’éclat de ses yeux. La porte métallique s’ouvrit dans un grincement prolongé, d’autres bruits s’élevèrent dans la courette, frôlements, souffles précipités. Abzalon distingua des mouvements dans les ténèbres, deux hommes, peut-être trois. Leurs odeurs fortes lui fouettèrent les narines. Leur vitesse d’exécution, leur habileté manœuvrière désignaient des tueurs professionnels et non de pauvres bougres que la faim, la soif et la peur dressaient les uns contre les autres. Ils appartenaient sans doute à l’une des deux bandes organisées qui régnaient sur Dœq depuis un an et se livraient une lutte acharnée pour prendre le contrôle de la population carcérale. Abzalon avait combattu à l’occasion dans les rangs de l’une ou l’autre, mais jamais les deux factions ne s’en étaient prises à lui en dehors des périodes de guerre ouverte.

« Le Voxion, le grand Ab et sa petite chérie ! Un tableau touchant… »

Bien qu’il ne discernât pas l’homme qui venait de parler, Abzalon sut immédiatement à qui appartenait cette voix aigrelette, reconnaissable entre toutes : Fonch, un ressortissant de Xion qui avait foudroyé une vingtaine de personnes au sortir d’un cambriolage raté, et massacré à lui seul plus de deux mille détenus. Sa cruauté, son efficacité lui avaient valu de grimper rapidement dans la hiérarchie du clan de Pixal. Il occupait à présent le poste de quartre, soit le quatrième rang après les seconds et les tiercelets, et d’aucuns voyaient en lui le successeur de Pixal dont les cent vingt-deux ans se révélaient plus en plus lourds à porter dans un tel environnement.

« Qu’est-ce que tu veux, merde de rondat ? lança Abzalon d’une voix aussi calme que possible.

— Te faire la peau, enculeur de fumé !

— Pourquoi ? Pixal peut rien m’reprocher… »

Lœllo se pencha vers Abzalon.

« Je sens un truc bizarre, comme une autre présence, chuchota-t-il.

— Qu’est-ce qu’elle raconte, la petite pute ? » aboya Fonch.

Abzalon se souvint alors que, comme tous les natifs de Xion, le quartre voyait dans la nuit aussi bien qu’en plein jour.

« Que vous êtes suivis vous aussi », répondit-il.

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