Jakt déclencha son télécommunicateur d’une pression soutenue de la langue sur le nanorupteur serti dans la voûte de son palais. La liaison s’établit instantanément avec son correspondant du siège de l’EOB. Un flot torrentueux de pensées s’échappa de son cerveau et se rua dans l’émetteur connecté à ses synapses. Il reçut une impulsion qui lui demandait de remettre un peu d’ordre dans ses pensées. «
Jakt prit une longue inspiration, s’éclaircit les idées, expédia une deuxième salve d’informations.
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Jakt tressaillit. La cité de X-art était elle-même criblée de puits bouillants. On en comptait trois dans la seule rue qui longeait la falaise. Leurs bouches rondes dessinaient des taches sombres sur le sempiternel voile de brume. Il coupa la communication d’une nouvelle pression de la langue et se rua vers la porte de son bureau. Koleo se leva à son tour, dévala l’escalier extérieur et le rejoignit dans la rue. Des rigoles fumantes couraient sur les pavés de pierre noire, s’infiltraient sous les portes des maisons voisines. Jakt poussa un juron. La surélévation et l’air conditionné du bâtiment de l’EOB l’avaient empêché d’apprécier la situation. L’eau montait plus vite qu’elle ne s’évacuait. La chaleur avait grimpé de plusieurs degrés, transformant la ville en étuve. Des silhouettes couraient dans tous les sens comme des insectes prisonniers d’une cloche de verre, d’autres se dirigeaient vers les grands aérotrains immobilisés sur la place voisine.
Il distingua le panache blanchâtre du puits le plus proche. Il atteignait une hauteur de trente ou quarante mètres, retombait en pluie sur les toits des habitations, brisait les tuiles, les volets, les vitres.
« Nous avons intérêt à filer ! » cria-t-il à Koleo.
Il contourna le bâtiment de l’EOB et s’élança vers la falaise. Il se retourna au bout de quelques pas, constata que le jeune Xartien n’avait pas bougé.
« Qu’est-ce que tu attends ? La falaise est le meilleur endroit où se planquer. L’océan continuera de baisser tant que les puits seront en éruption. »
L’eau montait rapidement, atteignait déjà les genoux de Koleo, mais il restait immobile, insensible à la douleur.
« Les Qvals, marmonna-t-il.
— Quoi, les Qvals ? gronda Jakt.
— Ils nous ont quittés. C’est la fin d’Ester.
— Qu’est-ce que c’est que ces conneries de fumé ? »
Il savait que Koleo, un jeune homme renfermé et discret contrairement aux autres fumés, fréquentait régulièrement les cercles clandestins de la Fraternité omnique, mais il ne se serait jamais douté qu’il accordait du crédit à ces vieilles superstitions.
« La légende, les gardiens des puits bouillants, l’eau, le feu… Nous sommes foutus, monsieur Brane. Foutus ! »
Jakt haussa les épaules mais, lorsqu’il atteignit la falaise, qu’il découvrit le fond vaseux et bouillant de l’océan une cinquantaine de mètres plus bas, il comprit que tout était perdu.
CHAPITRE XX
LAED