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Laed n’acquiesçait pas seulement pour lui faire plaisir. Il comprenait que son grand-père collait à sa réalité intime, qu’il se tenait au centre de sa vérité comme aurait dit Djema. Il le surprenait quelquefois en compagnie du moncle Artien, un tout petit homme au crâne rasé et dont les rides profondes se prolongeaient dans les plis de sa robe noire. Il se retirait alors, car il n’avait pas la place de se glisser dans la complicité qui unissait ces deux-là.

« C’est ici qu’est mort ton grand-père, fit Laed en désignant le bassin aux parois criblées de bouches d’aération.

— Tu ne devrais pas parler si fort, Laed Haudebran, tu me casses les oreilles ! » protesta Chara.

Il lui lança un regard courroucé au travers de son hublot. Chara avait un caractère exécrable, comme Pœz, son père, un incorrigible râleur, mais c’est elle qu’il avait choisi d’aimer et il devait en supporter les conséquences. Elle avait quelques qualités heureusement, une voix merveilleuse par exemple, un don pour le chant hérité de sa grand-mère, Clairia, et de sa tante, Istria, mortes de l’estérionite trois ans plus tôt. Et puis il la trouvait jolie avec ses traits forts, ses sourcils fournis, ses yeux sombres, ses cheveux noirs qu’elle portait très courts et qui accentuaient son allure de garçonne.

« Je suis désolé. J’oublie que l’intercom amplifie les sons. »

Elle avait sans doute décelé une acrimonie larvée dans le chuchotement de Laed car son propre ton avait perdu toute agressivité lorsqu’elle reprit la parole :

« Tu es sûr ?

— Ab me l’a dit. C’est dans ce bassin que les serpensecs avaient établi leur nid. Regarde le fond, on voit encore le trou creusé par le foudroyeur.

— Cet endroit est sinistre. »

L’éclairage diffus et rougeâtre dispensé par les veilleuses soulignait l’épaisse couche de rouille qui dévorait les tubes, le plancher et le bassin.

« On aurait pu enfiler les combinaisons plus tard, poursuivit Chara. On peut respirer : s’il y a de la rouille, c’est qu’il y a de l’oxygène.

— Deux précautions valent mieux qu’une. Et puis tu t’en fous : tu es une fumée comme ton père, tu ne transpires pas.

— Les serpensecs ont disparu depuis plus de trente ans, Laed, ironisa-t-elle.

— Nous ne savons pas ce qui nous attend plus loin », rétorqua-t-il, piqué au vif.

Il escalada un gros tuyau coudé pour contourner le bassin, se faufila au milieu de tubes plus étroits, reprit pied de l’autre côté de la cavité, se retourna, fixa Chara toujours immobile.

« Tu viens ? »

Le souffle précipité de la jeune fille résonna pendant quelques secondes dans ses oreillettes.

« Tout ça ne sert à rien, fit-elle d’une voix tellement hachée qu’il ne fut pas certain d’avoir saisi le sens de ses paroles.

— Tu as peur ? demanda-t-il, sautant sur l’opportunité de prendre une petite revanche.

— Je ne crois pas à ton histoire de voix…

— Il ne s’agit pas vraiment d’une voix, Chara. Plutôt d’un appel. Je ne retrouverai pas le sommeil tant que je ne serai pas allé voir ce qu’il y a de l’autre côté.

— J’appelle ça du délire obsessionnel.

— Et Lœllo, il délirait lorsqu’il se servait de son antenne pour détecter les serpensecs ? Et Ellula, elle délire quand elle reçoit ses visions ?

— Peut-être, mais nous avons mieux à faire que d’aller nous perdre dans les coins reculés du vaisseau.

— Quoi donc ? Un rituel du sang ? Un cérémonie omnique à la gloire de ton grand-père ? Un bain dans la cuve ? De nouveaux vêtements ?

— L’amour, par exemple… »

Elle choisissait ce moment pour s’offrir à lui : typique d’une emmerdeuse.

« J’en ai marre de tout ça ! explosa-t-il.

— Ne hurle pas, s’il te plaît ! Tu en as marre de moi ?

— De ce qui se passe dans ce vaisseau.

— Tu dis ça parce que tes parents se sont enfermés dans la cuve du premier passage ?

— Reste si tu veux. Moi, je dois continuer. »

Il pivota rageusement sur lui-même et se glissa entre les tuyaux verticaux. Il parcourut trente mètres dans le cœur de la forêt métallique, franchit une seconde cuve, traversa un espace nu, se retrouva devant une cloison parsemée à intervalles réguliers d’énormes rivets, la longea sur sa droite, revint sur ses pas, explora l’autre coté, distingua le linéament d’une porte ronde, chercha des yeux une niche, un clavier, n’en trouva pas, arma le foudroyeur, tira une première rafale d’ondes sur le panneau circulaire et légèrement convexe. Il attendit que la fumée se fut dispersée, tenta d’ébranler le métal. Ses coups de pied ne réussirent qu’à décrocher une grappe d’éclats rougeoyants.

« Laed ? »

La voix de Chara. Son rythme cardiaque s’accéléra.

« Laed, où es-tu ?

— Avance tout droit après le deuxième bassin, prends à gauche quand tu tombes sur la cloison. Je suis devant une porte. J’essaie de l’ouvrir avec le foudroyeur.

— Attends-moi. »

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