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— Est-ce que tu les connais, toi, les raisons secrètes de ton comportement ? demanda une femme vêtue d’une robe courte surchargée de broderies. De quel droit est-ce que tu nous demandes de changer ? »

Bonne question. Il y avait une grand part de désir, d’orgueil, dans l’obstination de Djema. Insidieusement et malgré les mises en garde répétées du Qval, Maran et elle s’étaient fait un devoir de mener le peuple de L’Estérion à bon port. Ils avaient poursuivi un but, échafaudé un projet, ils s’étaient projetés dans le futur, ils avaient oublié le présent, l’ordre secret, ils avaient été rattrapés par le temps. Un mécanisme implacable. Et les autres, ceux qu’ils avaient voulu changer, venaient chaque jour leur tendre un miroir, leur rappeler la profondeur du gouffre qui se creusait entre l’apparence et la réalité, entre le discours et l’être.

Debout sur l’excroissance en forme d’alvéole, éclairée par les feux croisés de deux projecteurs, elle marqua un long temps de silence. Elle venait tout juste de passer le cap des soixante-trois ans mais elle paraissait beaucoup plus âgée que sa mère. Ses cheveux avaient blanchi, sa peau s’était flétrie, sa silhouette affaissée déformait ses sempiternelles robes droites aux couleurs passées.

« Je n’ai aucun droit, reprit-elle d’un ton presque implorant. Je voulais seulement… »

Elle voulait. Celui qui veut est mort, disait le Qval. Elle l’entraînait dans sa chute, ce peuple de L’Estérion qui avait placé tous ses espoirs en elle et l’avait regardée comme un modèle.

« Les mots, poursuivit-elle, oppressée. Ils m’ont piégée. Je voulais… j’aspirais seulement a partager avec vous la beauté de l’ordre secret. De quel droit en effet ?

— Est-ce que nous ne faisons pas partie nous aussi de l’ordre secret ? » demanda un vieux dek au crâne luisant.

Elle hocha la tête avec un sourire triste.

« Évidemment…

— Alors pourquoi chercher quelque chose que nous connaissons déjà ? »

Excellente définition du présent Chercher entraînait un désir, un mouvement, une fuite en avant, le temps était inclus dans la notion de quête. Elle les avait exhortés à chercher, ils avaient traqué des mirages.

« Eh bien, cessez de chercher ! lança-t-elle avec véhémence. Trouvez.

— Trouver quoi ?

— Votre vérité. Le centre de la vérité se déplace. Laissez-le venir à vous.

— Quand saurons-nous que nous l’avons trouvé ?

— Il prendra naturellement sa place. Trouvez. Ce n’est pas un conseil, c’est un ordre ! ajouta-t-elle avec un petit rire. Les mots ne vous seront plus d’aucun secours.

— Ça veut dire que… tu ne viendras plus dans cette salle ? s’inquiéta une jeune femme.

— Quelqu’un revendiquait sa liberté tout à l’heure. Je vous libère, je repars dans l’ordre secret, dans le silence. Dans le Qval. Peut-être reviendrai-je un jour. Qui sait ce que nous réserve le présent ? »

Ayant prononcé ces mots, elle descendit de l’alvéole et traversa, le cœur léger, les rangs pétrifiés de l’assistance.

Laed et Chara, la fille de Pœz, se glissèrent dans l’ouverture aux bords ébréchés et s’enfoncèrent dans la forêt de tubes.

La veille, ils s’étaient ouverts de leur projet à Abzalon qui leur avait tendu le foudroyeur et deux combinaisons spatiales.

« J’les ai vérifiées. Vous en avez au minimum pour deux jours d’autonomie. »

Il ne les avait ni encouragés ni contrariés, il leur avait seulement expliqué le mode d’emploi des « grenouillères » avant de poser sur eux un regard malicieux. Il ne sortait pas souvent de sa cabine de la coursive basse, et toujours pour aller vérifier que personne n’avait « foutu le bordel » dans les combinaisons rangées avec le plus grand soin sur les étagères du local technique. Le reste du temps, il restait en compagnie d’Ellula, dormant parfois pendant trois jours d’affilée d’un sommeil si agité qu’elle se demandait s’il était pas atteint d’estérionite.

« Penses-tu ! s’exclamait-il lorsqu’elle lui faisait part de son inquiétude. J’récupère les heures de sommeil qu’on m’a volées à Dœq. »

On voyait de temps à autre sa grande carcasse se profiler dans les coursives, on lui cédait alors respectueusement le passage en se fendant d’un « Ça va comme vous voulez, Ab ? » auquel il ne répondait pas.

On le vénérait comme un sage mais on attendait qu’il meure pour en faire une idole.

Laed adorait ses grands-parents, Abzalon en particulier, auquel il vouait une admiration et une affection sans réserve. Il s’invitait parfois dans la cabine de la coursive basse pour le simple plaisir de passer une heure en sa compagnie, loin des remous qui agitaient les autres niveaux. Abzalon répugnait à lui parler de son passé, sauf pour évoquer Lœllo, le « fumé » avec lequel il avait partagé les heures les plus pénibles de son existence et qui continuait de vivre à l’intérieur de lui.

« J’attends pour mourir d’être arrivé sur le nouveau monde. Lœllo s’rait pas très content s’il avait pas mes yeux pour le voir, tu comprends… »

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