Alexis
est le portrait d’une voix. Il fallait laisser à cette voix son propre
registre, son propre timbre, ne rien lui enlever, par exemple, de ses
inflexions courtoises qui semblent quelque peu d’un autre âge, et le semblaient
déjà il y a près de trente-cinq ans, ou encore de ces accents de tendresse
presque cajoleuse qui en disent peut-être plus long sur les rapports d’Alexis
et de sa jeune femme que sa confidence elle-même. Il fallait aussi laisser au
personnage certaines opinions qui à l’auteur paraissent aujourd’hui douteuses,
mais qui gardent leur valeur de caractérisation. Alexis explique ses penchants
par l’effet d’une enfance puritaine dominée entièrement par les femmes, vue
exacte peut-être en ce qui le concerne, importante pour lui dès l’instant qu’il
l’accepte, mais qui (même si j’y ai donné créance autrefois, ce dont je ne me
souviens plus) me semble maintenant le type de l’explication destinée à faire
rentrer artificiellement dans le système psychologique de notre époque des
faits qui se passent peut-être de ce genre de motivation. De même, la
préférence d’Alexis pour le plaisir goûté indépendamment de l’amour, sa
méfiance envers tout attachement qui se prolonge, est caractéristique d’une
période en réaction contre tout un siècle d’exagération romantique : ce
point de vue a été l’un des plus répandus de notre temps, quels que soient
d’ailleurs les goûts sensuels de ceux qui l’expriment. On pourrait répondre à
Alexis que la volupté ainsi mise à part risque elle aussi de tourner en morne
routine ; bien plus, qu’il y a un fond de puritanisme dans ce souci de
séparer le plaisir du reste des émotions humaines, comme s’il ne méritait pas
d’y avoir sa place.