Pourquoi sa femme se livrait-elle ainsi à une aventure aussi indigne ? N'était-il pas un compagnon loyal, extrêmement voué à son bonheur et à celui de leur fils ? Il s'absentait souvent de Rome les gardant précieusement dans son cœur. Si des tentations d'ordre inférieur lui assiégeaient l'esprit pendant ses fréquents voyages, Cintia et Tatien étaient une inébranlable défense... Comment céder aux suggestions de la méchanceté quand il se croyait l'unique soutien de sa femme et de ce petit ange qui peuplait son âme d'aspirations sanctifiées ? Et pourquoi Veturius salissait-il ainsi son foyer ? Ne se considérait-il pas comme un ami converti en dévoué serviteur ? Combien de fois dans des ports lointains avait-il été invité au profit facile et avait-il renoncé à tout avantage économique de provenance douteuse, conscient des responsabilités qui le liaient au cousin de sa femme ! À combien de reprises, avait-il été contraint par gratitude à oublier toute possibilité assurée d'améliorer sa situation, par simple égard pour Opilius qui était à ses yeux non seulement le protecteur du pain quotidien de sa famille mais aussi un compagnon, créancier de sa plus profonde reconnaissance !...
Angoissé et abattu, il se disait à lui-même à cet instant affligeant : — Si Cintia aimait son cousin, pourquoi l'avait-elle épousé, lui Varrus ? Si tous deux avaient reçu les bénédictions du ciel avec l'arrivée de leur fils, comment répudier les liens conjugaux puisque Tatien représentait son plus grand espoir en tant qu'homme de bonne volonté ?
À moitié halluciné, il s'est mis à réfléchir aux arguments contraires. Et s'il préjugeait de la situation ? Et si Opilius Veturius était là pour l'assister, répondant à la demande de Cintia ? Il était donc nécessaire de calmer ces inquiétudes et d'écouter faisant abstraction de toute animosité.
Il mit alors sa main droite sur son cœur oppressé et a écouté :
Jamais tu ne t'habitueras aux délires de Varrus — disait Veturius, sûr de lui —, toute tentative est vaine.
Qui sait ? — osa sa cousine soucieuse —j'espère que le jour viendra où il abandonnera cette odieuse connivence avec les chrétiens.
Jamais ! — s'exclama l'interlocuteur, en riant ouvertement — il n'est personne qui n'ait recouvré la raison après s'être mêlé à cette calamité. Quand bien même craignant les autorités, ils semblent trahir leurs vœux, face à nos dieux, ils retournent finalement à son enchantement. J'ai accompagné plusieurs processus de récupération de ces fous. On peut dire qu'ils souffrent d'une terrible obsession pour la souffrance. Les coups, les cordes, les fauves, la croix, le feu, les décapitations, rien y fait pour diminuer la volupté avec laquelle ils se livrent à la douleur.
Réellement, j'en ai assez... — a soupiré la jeune femme baissant le ton de sa voix.
Démontrant l'assurance des liens affectifs qui le retenait déjà à l'esprit de son interlocutrice, Opilius a ajouté, déterminé :
Et même si Varrus changeait d'avis, il n'arriverait pas à modifier notre position. Nous appartenons l'un à l'autre. Depuis six mois tu es mienne et quelle différence cela fait-il ?
Sarcastique, il fit observer :
Ton mari par hasard dispute-t-il l'affection de son épouse ? Il est bien trop intéressé par le royaume des anges... Sincèrement, je ne peux admettre qu'il soit à la hauteur de tes attentes. Par Jupiter ! Tous ceux que je connais
Un éclat de rire ironique a terminé sa phrase, mais remarquant probablement quelque geste inattendu de la part de sa cousine, il a continué :