Читаем Avé, Christ полностью

Dans son âme, il souffrait de voir l'ignorance et la misère dans lesquelles les classes privilégiées maintenaient les foules et se perdait dans de vastes cogitations pour mettre un point final aux millénaires de déséquilibres dans la société de sa patrie.

Il se savait bien incapable d'annoncer un message libérateur et efficace au pouvoir administratif. Sans or et sans soldats, il ne pouvait imposer les opinions qui bouillonnaient dans sa tête, néanmoins, il n'ignorait pas qu'un monde nouveau était en construction sur les ruines de l'ancien.

Sous l'inspiration de l'esprit rénovateur, des milliers d'hommes et de femmes changeaient mentalement. L'autocratie de l'Empire combattait désespérément contre la réforme religieuse mais la pensée du Christ planait sur terre, incitant les âmes à suivre le nouveau chemin du progrès spirituel, même au prix de la sueur et du sang du sacrifice.

Plongé dans de telles réflexions, il fut ramené à la réalité par sa femme, Cintia Julia, qui venait le voir portant dans ses bras leur fils Tatien d'à peine un an, souriant, tendre et aimant comme s'il s'agissait d'un ange ravi au berceau céleste.

Cintia révélait dans son regard obscur la flamme de la vivacité féminine laissant dès le premier instant entrevoir la trame des passions qui débordaient de son âme inquiète. Une large tunique de lin beige faisait ressortir ses formes de madone et d'enfant qui évoquaient le profil espiègle et beau de quelque nymphe qui se serait soudainement transformée en femme, contrastant par là avec la sévère expression de son mari qui semblait infiniment distant de sa compagne dans ses affinités psychiques.

Bien que très jeune, Varrus Quint portait les traits d'un philosophe plongé en permanence dans l'océan de ses pensées.

Affichant la satisfaction d'une péronnelle, Cintia fit référence à la fête d'Ulpia Sabina où elle était allée la veille en compagnie de Veturius qui fut un partenaire attentionné.

Enthousiaste, elle s'est attardée à la description des danses, une invention de la propriétaire qui avait profité de la vocation des jeunes esclaves, et s'essayait à répéter pour son mari d'une voix harmonieuse quelques passages de la musique symbolique.

Varrus souriait condescendant, tel un père austère et bon attentif aux infantilités de sa fille. Il prononçait de temps en temps des mots de compréhension et d'encouragement.

À un certain moment de la conversation fixant sa femme, s'emblant vouloir s'entretenir d'un sujet plus sérieux, il lui fit observer :

Tu sais, chérie, ce soir il nous sera possible d'entendre l'une des voix les plus influentes de notre mouvement en Gaules ?

Et peut-être parce que sa femme restait silencieuse, pensive, il continua :

Je fais référence à Appius Corvinus, le vieux prêcheur de Lyon (4) qui fera ses adieux aux chrétiens de

(4) Au temps de la domination romaine, en Gaules, le nom de la ville de Lyon était Lugdunum. (Note de l'auteur spirituel)

Rome. Dans sa jeunesse, ce fut un contemporain d'Attale de Pergame, l'admirable héros parmi les martyrs gaulois. Corvinus a plus de soixante-dix ans mais selon les impressions générales, il est porteur d'un esprit très jeune.

La jeune femme a esquissé un long geste d'ennui et a murmuré :

Pourquoi nous soucions-nous de la sorte de ces gens ? Franchement, la seule fois que je t'ai accompagné aux catacombes, j'en suis revenue angoissée et abattue. Ces divagations que nous entendons ont-elles un sens pratique ? Pourquoi braver les dangers d'un culte illégal pour ne rester que dans les délires de l'imagination ?

Avec ironie et agressivité elle continuait, alors que son mari affichait une expression attristée :

Tu crois peut-être que je peux me conformer à la folle renonciation de femmes telles que Sophronie et Cornélie qui sont tombées des splendeurs patriciennes dans l'immondice des prisons aux côtés d'esclaves et de blanchisseuses ?

Puis elle a lancé un bruyant éclat de rire et a ajouté :

Il y a quelques jours encore, alors que tu te trouvais en voyage en Aquitaine, Opilius et moi parlions en privé, quand Popéia Cilène est venue nous voir en faisant l'aumône pour les familles tuées lors des dernières persécutions, et voyant mes pots de crème, elle m'a incitée à abandonner l'usage de cosmétiques. Nous avons beaucoup ri à cette suggestion. Pour répondre aux principes d'un homme qui est mort sur la croix des malfaiteurs, il y a deux cents ans, nous devrions faire voeu de pauvreté et errer de par le monde comme si nous étions des fantômes ? Nos dieux, eux, ne nous réservent pas un paradis de mendiants discoureurs. Nos prêtres gardent toute leur dignité et leur posture.

Après une courte pause pendant laquelle elle a regardé son mari sarcastiquement, elle allégua :

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