À ces propos, l'ancien Gaulois a commenté les obstacles qu'il rencontrait à vouloir sortir de Rome et interpellé par Varrus quant au port vers lequel il se dirigeait, il a expliqué qu'en fait il devait rendre visite à la communauté chrétienne de Carthage avant de retourner à Lyon définitivement.
Le visage du jeune homme s'est illuminé.
Pourquoi ne pas voyager ensemble ?
Il prenait la même route.
Corvinus a manifesté alors toute sa satisfaction.
Le jeune patricien a exposé en quelques mots son intention d'avertir Flave Subrius de la présence de son nouveau compagnon de voyage, mais il a gardé pour lui les réels motifs de la mission qui le menait en Afrique pensant en informer Appius Corvinus postérieurement, une fois qu'ils seraient seuls en mer.
Le lendemain lorsqu'il en a parlé au vieux soldat boiteux, Subrius a accueilli cette idée avec un sourire indéfinissable ajoutant avec bonne humeur :
— Mais bien sûr ? Le voyageur peut être considéré comme un parent. Tu as ce droit.
Varrus s'est empressé de se préparer pour l'excursion conformément au programme
prévu.
Alors que Cintia l'écoutait avec une très grande attention, il lui a annoncé sa résolution de changer le cours de sa vie. Et, après une entrevue particulière avec le préteur, il a fait ses adieux à son épouse et à Tatien l'esprit baigné d'une douloureuse émotion.
Emportant avec lui une abondante documentation, il a embarqué à Ostie, l'âme absorbée par d'angoissantes expectatives.
Reconnaissant, Corvinus s'est joint à lui. Avec l'aide du jeune patricien et de Flave Subrius qui bizarrement était très attentif à l'installation de celui-ci, il se préparait à partager la chambre étroite réservée à Varrus Quint près de la cabine du capitaine dans la poupe, mais resta figé sur le pont qui séparait la chambre des bancs des rameurs, semblant admirer la magnifique trirème dans laquelle ils allaient voyager. Alors qu'il regardait les mâts magnifiques alerté par Varrus satisfait à l'idée de pouvoir lui offrir ce beau spectacle, le vieillard répondit :
Oui, j'observe la grandeur du ciel et de la mer inondés de soleil ; je sens le souffle du vent léger qui semble chanter la gloire divine de la nature, mais je pense à nos esclaves aux mains calleuses sur les rames...
Le prédicateur allait continuer lorsque Subrius, qui exerçait une inexplicable surveillance sur lui, a perçu le sens évangélique de sa remarque et a démontré une plus grande inquiétude dans l'expression de son visage mécontent, se dirigeant à Varrus Quint, il s'est exclamé :
Nous offrons l'hospitalité à ton hôte.
Contrarié par cette interférence, le jeune patricien, a exprimé le souhait de le présenter à Helcius Lucius, mais l'assesseur du commandant a immédiatement objecté :
Non, maintenant non. Helcius est occupé. Attendons le moment propice.
Corvinus s'installa sur sa couchette avec ses quelques bagages comprenant une tunique usée, une peau de chèvre et un balluchon avec des documents.
Pour dissiper la désagréable impression laissée par Subrius qui lui avait soudainement coupé la parole, le jeune homme est longuement resté auprès de l'ancien, choisissant ce moment pour réfléchir en sa compagnie au véritable motif de son voyage.
Corvinus l'a écouté avec un étonnement évident.
Il connaissait les patriarches carthaginois et les adeptes les plus en vue de l'importante église africaine.
Varrus lui a cité les noms des personnes indiquées dans la relation du préteur que le valeureux missionnaire identifia immédiatement pour la majorité.
Ils ont échangé leurs impressions quant à l'époque risquée qu'ils traversaient et comme s'ils étaient de vieux amis, ils se sont mis d'accord sur les précautions à prendre quant aux jours les plus sombres à venir au cas où les tempêtes politiques ne se calmeraient pas.
L'ancien des Gaules a longuement parlé de l'église de Lyon.
Au nom du Christ, il comptait y consolider le vaste mouvement d'assistance sociale.
Les prosélytes n'admettaient pas la foi inopérante. À leurs yeux, l'église devait s'enrichir d'oeuvres pratiques et être une source incessante de services rédempteurs.
Ils recevaient, fréquemment, la visite de confrères venant d'Asie et de Phrygie, grâce auxquels ils obtenaient des instructions directes concernant la matérialisation des idéaux évangéliques et acceptaient la Bonne Nouvelle, non seulement comme un chemin d'espoir menant au ciel, mais aussi comme un programme de travail actif nécessaire au perfectionnement du monde.
Et c'est ainsi que de considérations en réflexions, de remarques en observations, ils sont restés tous deux absorbés et heureux à élaborer des projets, exaltant la douce flamme de leurs rêves.
Quand le navire se mit en mouvement, Corvinus a souri à son compagnon comme un enfant partant à une fête.
Au début, ils entendaient le bruit rythmé des marteaux qui contrôlait l'effort des rameurs, puis, le vent commença à siffler fortement.