Читаем Avé, Christ полностью

À plusieurs reprises, il s'était demandé, sans réponse à sa propre question, ce qu'était devenu Varrus Quint... Où avait-il débarqué ? Avait-il réussi à survivre ? Jamais plus il n'avait eu de lui la moindre nouvelle.

Jamais il n'oublierait l'expression de calme dans les yeux de Corvinus quand il avait poignardé son thorax vieilli. Il s'était dit que l'apôtre crierait de révolte, néanmoins, se montrant angoissé, l'ancien avait porté sa main droite à sa poitrine oppressée sans la moindre réaction. D'ailleurs, en sortant, il avait remarqué qu'il priait... Ce tableau ne s'était plus jamais effacé de sa mémoire. Il le poursuivait de toute part. Que ce soit en se plongeant dans des verres grisants ou en changeant d'air ou de compagnies dans l'intention de se fuir lui-même, là elle se trouvait au fond de son âme, la figure indélébile du vieux prêcheur à lui rendre le coup de poignard par la prière.

Tourmenté par sa propre conscience, il ne supportait plus le supplice qu'il s'infligeait à lui même et en devenait fou.

Dans ces épreuves de démence, il fut aidé par un groupe de chrétiens dont les prières avaient soulagé son esprit souffrant. Dès lors, il avait modifié sa manière d'être, bien que gardant pour lui ses inquiétants secrets s'en remettant à la force rénovatrice du temps.

Quand Opilius l'invita à se rendre en Gaules, il n'a pas hésité.

Il savait que le missionnaire décédé avait appartenu à la collectivité lyonnaise et se proposait de faire quelque chose pour l'organisation qu'il avait tant aimée. Il connaissait l'hostilité de Veturius contre l'Évangile, mais ne manquerait pas de moyens pour aider, anonymement, la famille spirituelle que le frère Corvinus avait léguée aux compagnons.

Toujours attaché à la maison de Veturius, il fut informé par une esclave de confiance que Cintia, malade, avait accepté de recevoir l'assistance chrétienne dans ses appartements particuliers et une fois rétablie, elle avait modifié spirituellement ses propres concepts.

Il avait de la sympathie pour la nouvelle attitude de la matrone (13), cependant il n'avait jamais pu avoir avec elle le moindre entretien à ce sujet.

(i3) n.t. : Dans l'Antiquité romaine, à Rome, une matrone est une dame, une femme

mariée.

De fait, cette information était avérée. Cintia fut soudainement prise d'inclination pour le christianisme.

Peu après la séparation temporaire occasionnée par le départ de son fils, elle avait également été atteinte de la peste dont elle ne fut soignée que par l'interférence d'un saint homme qui, conduit à son chevet en cachette par quelques esclaves, avait apposé ses mains en prière, lui rendant sa paix intérieure.

Une fois sortie du lit, elle se sentait pourtant prise d'une insoutenable mélancolie.

Les crises émotionnelles étaient fréquentes.

Quand la maison était plongée dans le silence, elle descendait au jardin, préférant la méditation à tout bruit domestique. À maintes occasions, Opilius l'avait ramenée dans ses bras, séchant ses larmes abondantes.

Au début, il l'avait jugée brusquement asservie à la mémoire de Varrus et avait essayé de la distraire, mais il finit par s'apercevoir que sa femme bien-aimée avait adopté de nouveaux principes religieux.

Il avait entamé des discussions avec elle qui, graduellement, se sont faites de plus en plus âpres et rudes pour, finalement, considérer qu'il était plus prudent de s'éloigner de Rome pour un temps indéterminé, tout en espérant que les paroles de Tatien la dissuaderaient.

À Lyon, le beau-père s'est entendu avec le jeune homme, qui, fier et inflexible, avait écouté ses confidences le visage étonné et assombri.

Le jeune homme attendait une occasion opportune pour le type de conversation qu'il désirait avoir avec elle et, la veille de son mariage, profitant de ce moment approprié, il a prétexté vouloir présenter à sa mère quelques nouveaux travaux qu'il mettait en œuvre dans un proche vignoble pour se retirer ensemble.

Face au soleil, véritable brasier perdu au couchant enflammé, le jeune homme s'est souvenu en chemin que c'était son dernier jour de jeunesse en célibataire. Le lendemain matin, il marcherait à la rencontre d'un nouveau destin.

Sous un vieux chêne touffu qui semblait protéger la plantation naissante, il prit les mains de sa mère et a commenté les craintes qui tourmentaient son âme...

Par hasard, aurait-elle oublié les vœux sacrés du cœur ? Il avait appris par son père adoptif qu'elle vivait maintenant dominée par les sorcelleries des nazaréens... Serait-ce la vérité ? Il ne pouvait accepter l'idée qu'elle avait modifié l'orientation de sa foi. Il savait qu'elle était forte, toujours consacrée aux divinités domestiques, sans trahir ses ancêtres et qu'il aurait confiance en elle jusqu'au bout.

Sa mère a écouté ses paroles les yeux voilés d'un nuage de larmes qui n'arrivaient pas à couler et comme si elle gardait dans l'âme l'ombre du crépuscule qui commençait à habiller le paysage, elle lui a répondu avec tristesse :

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