Читаем Bérurier au sérail полностью

— On ne peut pas décoller sans eux. Je te parie que la Vieillasse fait la retape autour du palais en cherchant un moyen de nous délivrer. Il ne nous a pas vu partir, tu comprends ?

— Fais gaffe, balbutie le Mastar. La ville doit être sur le pied de guerre, après ce qu’on vient de faire à l’émir. Si on te pique tout seul, tu risques d’être léché par la foule.

— Tout le plaisir serait pour moi, assuré-je, mais je suppose que tu as voulu dire lynché.

— Je vais avec toi, décide Béru.

Je lui prends sa main valide.

— Non. En mon absence, c’est toi le boss de l’expédition. Si je ne suis pas revenu lorsque le coucou radinera, allume les feux et fais grimper tout le monde à bord, y compris Obolan. Vous attendrez un quart d’heure, pas une broquille de plus, vu ? Passé ce délai, vous décollerez.

Je le lâche et je ressaute dans la jeep.

Ce qu’il y a de glandouillard, dans la vie, c’est que rien n’est parfaitement en harmonie. Y a toujours des fausses notes dans le concert. Lorsque les cordes sont rodées, c’est les cuivres qui déconnent, évite Versailles (toujours Béru dixit).

Je regrimpe la dune. Je bombe vers la ville.


Il a vu juste, le Monstrueux, quand il m’a prédit que la bonne ville d’Aigou était sur le pied de guerre.

Il y a de la troupe dans tous les coins. Si je continue à vadrouiller avec la charrette, les militaires vont m’harponner aussi sec.

Je planque donc le zinzin plein de roues dans une venelle sombre. Je dissimule la mitraillette sous mon burnous et je rabats mon capuchon bas sur mes traits harmonieux, al tiers, énergiques et séduisants[23].

M’est avis, les gars, que la partie qui se joue maintenant est duraille. J’appréhende pour ces deux pommes.

Avec ce déploiement de force, on les a déjà arquepincés, c’est sûr ! Ah ! misère. Et moi qui me réjouissais naguère à l’idée qu’ils avaient pu se tirer du palais !

Je fais dans ma jolie tête bourrée d’idées originales le calcul suivant : Pinaud sait qu’on a rancard à l’est de la ville avec l’avion de notre correspondant d’Aden… À l’est d’Aigou, c’est parce qu’il cherche le moyen de nous venir en aide. Mais que peut-il espérer, le pauvre cher débris ? Donner l’assaut au palais ? Allons donc ! Une première fois il nous a sortis de taule en allant raconter des calembredaines à l’émir. Mais cette fois, il ne peut plus…

Alors ?

Je marche, le dos rond, en affectant une claudication de miséreux. Des soldats investissent des maisons en gueulant comme des putois. Parfois, ils braquent des lampes électriques dans la poire de certains passants. Franchement, ça renifle le brûlé.

D’une seconde à l’autre, on va m’arraisonner.

Je file en direction du palais. Une foule considérable y grouille, que la police d’Aigou s’efforce de canaliser.

La révolte est en train, mes enfants. C’est du peu au jus. Surexcitées par la fiesta du jour, les foules kelsaltipes, en apprenant le coup de main qui a permis l’enlèvement de leur émir, ont pigé qu’on pouvait très bien se débarrasser d’un tyran et les Aigoutiers veulent exploiter la situation. Ce sont les jeunes, comme toujours, qui déclenchent la castagne. Toujours et partout, c’est la jeunesse qui commande. Lorsqu’elle en a assez de la routine à papa, elle se met à casser la cabane pour faire piger au pays qu’il vit toujours.

Le cerveau d’un pays peut être âgé, son cœur a toujours vingt ans.

Blotti contre un mur, je regarde se démener la populace. Ils ont fermé les grilles du palais.

Non, inutile d’insister, c’est terminé pour Alcide et pour Pinuchet. Je ne les récupérerai pas.

Une dernière fois, je jette un regard à cet édifice où nous avons vécu de si surprenantes aventures. Et que vois-je ? Par-delà les grilles, dans la lumière des projecteurs, soi-même ! Il est retourné dans la gueule du loup. Il marche dans le vaste jardin d’un pas rapide et va droit à un angle de la grille.

Je m’y précipite. Un soldat se dresse devant moi :

— Ouïaïa kelbodar ! me fait-il à brûle pourpoint.

Je lui réponds d’un coup de genou dans les valseuses. Puis par un coup de boule dans le clapoir. Il se liquéfie sans insister. J’arrive à la grille. Et que vois-je ? Alcide Sulfuric, dit Gérard, dit S 04 H2 qui attend Pinuchet à l’extérieur. J’opère ma jonction avec ces messieurs.

— Dieu soit loué ! s’exclame Pinaud. Vous êtes libres !

Brave homme ! Ce cri, c’est tout le Détritus. C’est sa bonté, son abnégation, sa gentillesse.

— Qu’est-ce que tu fiches ? dis-je.

— Y a plus moyen de sortir, ils ont barricadé les portes.

Je regarde la grille. Elle mesure deux mètres cinquante de haut. Un fil électrifié court au sommet des grilles acérées.

La Vieillasse est coincée, comme un vieux rat dans une nasse !

Il a les mains rouges de sang.

— Tu es blessé ?

— Non, mais je les ai ! me répond-il avec un angélique sourire.

Il ressemble à ces vieilles statues du XIIIe siècle en bois polychrome. Certains visages de saints grossièrement façonnés ont cet air béat, ou plutôt cet air de béatitude (je tiens au distinguo).

— Tu as quoi, Pinaud ?

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