Читаем Bérurier au sérail полностью

Il saisit un coutelas très effilé, tellement effilé que, de profil, la lame est invisible à l’œil nu. Puis il s’approche de l’émir, cueille entre le pouce et l’index une pointe de sa belle moustache calamistrée et tranche un côté de cet ornement pileux.

Un seul.

— Maintenant regardez, bandes d’esclaves ! lance-t-il aux soldats pétrifiés, votre émir de mes choses, quand il lui reste rien qu’une baffle, il a l’air aussi crêpe que le dernier clodo du patelin.

— Ne fais pas de démagogie, Gros, le calmé-je. On va se tirer d’ici avec Sa Majesté et Lola.

— Bon Dieu ! Et Sirk ! s’exclame le Gros, tu crois qu’ils l’ont déjà dévalsé ?

— Cher émir, dis-je. Donnez l’ordre à vos comiques troupiers d’aller chercher notre compagnon et dites que si l’opération est en cours elle soit suspendue.

Un vrai mouton, Obolan, quand il a le canon d’un casse-tête dans le cou. Il ordonne tout ce qu’on veut. Il verrait un enfant de chœur qu’il l’ordonnerait prêtre dans la foulée.

— Pourvu qu’on arrive à temps, fait Béru. Ou du moins qu’on ne lui ait ôté que la moitié de ses philippines. Un, c’est mieux que rien. Ça personnalise un type.

Pendant que le messager va récupérer notre pote, nous remontons l’escadrin.

Quant à l’émir, il s’efforce de se composer un maintien digne pour affronter ses gens. Mais c’est une vraie gageure. Quand on marche au bout d’un pistolet avec seulement une moitié de moustache, il est dur d’imposer le respect.

— Dis donc, l’émir, je gouaille, j’ai idée que ton standing, si on le cotait en Bourse, il foutrait pas les Royal-Dutch par terre, hein ?

Une fois que nous avons refait surface, on nous amène Sirk Hamar. Il est soutenu par deux gardes, il se traîne. Il est vert, avec des yeux plus cernés que ceux d’une collégienne.

— Oh ! m… arabe ! soupire le Gros, tu veux parier qu’ils sont arrivés trop tard ?

Nous interpellons ce pauvre truand.

— Alors, Sirk ?

Il balbutie :

— C’est fait. Ah ! les tantes !

— Complètement ? insiste Béru d’un ton qui s’enroue.

Sirk opine (c’est tout ce qu’il peut faire désormais).

— Pour un barbeau, tu parles d’une punition ! s’émeut le Gros.

La larme perlant à la paupière, il s’approche d’Hamar et lui passe un bras affectueux autour du cou.

— Pauvre bonhomme ! soupire-t-il. Faut pas te laisser abattre. Y a tout de même pas que l’amour, dans la vie. Tiens, t’apprendras à jouer aux échecs, paraît que c’est un bon passe-temps.

CHAPITRE XVI

— Où m’emmenez-vous ? demande Obolan, comme nous l’entraînons dans la cour de son palais.

— Prendre l’air, mon pote, lui rétorque amèrement Béru.

— Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la gravité de votre acte, me dit l’émir. C’est la rupture des relations diplomatiques entre nos deux pays ! Peut-être même la guerre !

— Écoute, l’émir, gronde Béru qui ne lui a pas pardonné son début de crucifixion ni l’ablation pratiquée sur Sirk, non seulement tu nous coupes les choses, mais en plus tu nous les brises. Alors ferme-la.

Il fait quelques pas et réalise qu’on va au poste de garde. Après, ce sera la ville, la nuit, la fin peut-être de son règne.

— Lâchez-moi et je vous donnerai une fortune, promet-il. Vous aurez chacun dix sacs d’or ; je vous garantis la liberté. Vous pourrez repartir sans crainte…

Je le considère avec ironie.

— Dites donc, monsieur Obolan, c’est pas un langage de chef que vous tenez-là. Auriez-vous peur ?

Il a peur.

— Qu’allez-vous me faire ?

— Vous le verrez. Je ne suis pas comme vous : je ne divulgue pas à l’avance le programme des réjouissances, je préfère en réserver la surprise.

Une drôle d’atmosphère plane sur le palais.

Les domestiques, les soldats, ces dames du sérail, les ministres, le reste des invités regardent, paralysés par la stupeur.

Personne ne tente rien. Ils croient à une révolution. Et les révolutions impressionnent toujours.

— Sirk, dis-je à notre infortuné compagnon qui se traîne au bras du Gros, peux-tu parler ?

— S’il le faut, soupire-t-il.

Et le Gros de me dire :

— Pourquoi qu’il causerait pas ! C’est pas les amygdales qu’on lui a enlevées, tout de même !

Je le fais taire du geste.

— Sirk, reprends-je, dis-leur à tous que ce salopard est destitué et qu’ils s’arrangent pour lui trouver un successeur. Si ça ne carbure pas, on leur enverra les casques bleus ; ces braves gens ne demandent qu’à aller faire des galas !

Sirk réunit ce qui lui reste de forces.

D’une voix de centaure (prétend Béru qui n’a pas le vocabulaire d’à-propos) Hamar traduit mon avertissement.

Une rumeur court dans la cour où la cour accourt[21]. Les carottes émiriales d’Obolan seraient râpées que je n’en serais pas autrement surpris.

— Si je criais un ordre, un seul, vous seriez immédiatement abattus, grince-t-il.

— Et toi avec, bouffi ! rigole Béru. Laisse quimper, va. Vaut mieux être un clochard vivant qu’un émir mort.

Je mate l’heure. Dans deux plombes, l’avion va — je l’espère — s’annoncer !

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