L’infante, qui avait entendu les tambours et le cri des h'erauts d’armes, s’'etait bien dout'ee que sa bague faisait ce tintamarre : elle aimait le prince ; et, comme le v'eritable amour est craintif et n’a point de vanit'e, elle 'etait dans la crainte continuelle que quelque dame n’e^ut le doigt aussi menu que le sien. Elle eut donc une grande joie quand on vint la chercher et qu’on heurta `a sa porte. Depuis qu’elle avait su qu’on cherchait un doigt propre `a mettre sa bague, je ne sais quel espoir l’avait port'ee `a se coiffer plus soigneusement, et `a mettre son beau corps d’argent, avec le jupon plein de falbalas, de dentelles d’argent, sem'e d’'emeraudes. Sit^ot qu’elle entendit qu’on heurtait `a la porte, et qu’on l’appelait pour aller chez le prince, elle remit promptement sa peau d’^ane, ouvrit sa porte ; et ces gens, en se moquant d’elle, lui dirent que le roi la demandait pour lui faire 'epouser son fils, puis, avec de longs 'eclats de rire, ils la men`erent chez le prince, qui, lui-m^eme, 'etonn'e de l’accoutrement de cette fille, n’osa croire que ce f^ut elle qu’il avait vue si pompeuse et si belle. Triste et confondu de s’^etre si lourdement tromp'e : « Est-ce vous, lui dit-il, qui logez au fond de cette all'ee obscure, dans la troisi`eme basse-cour de la m'etairie ? – Oui, seigneur, r'epondit-elle. – Montrez-moi votre main, » dit-il en tremblant et poussant un profond soupir… Dame ! qui fut bien surpris ? Ce furent le roi et la reine, ainsi que tous les chambellans et les grands de la cour, lorsque de dessous cette peau noire et crasseuse sortit une petite main d'elicate, blanche et couleur de rose, o`u la bague s’ajusta sans peine au plus joli petit doigt du monde ; et par un petit mouvement que l’infante se donna, la peau tomba, et elle parut d’une beaut'e si ravissante, que le prince, tout faible qu’il 'etait, se mit `a ses genoux, et les serra avec une ardeur qui la fit rougir ; mais on ne s’en apercut presque pas, parce que le roi et la reine vinrent l’embrasser de toute leur force, et lui demander si elle voulait bien 'epouser leur fils. La princesse, confuse de tant de caresses et de l’amour que lui marquait ce beau jeune prince, allait cependant les en remercier, lorsque le plafond s’ouvrit, et que la f'ee des Lilas, descendant dans un char fait de branches et de fleurs de son nom, conta, avec une gr^ace infinie, l’histoire de l’infante. Le roi et la reine, charm'es de voir que Peau-d’^Ane 'etait une grande princesse, redoubl`erent leurs caresses ; mais le prince fut encore plus sensible `a la vertu de la princesse, et son amour s’accrut par cette connaissance.
15. Intitulez ce fragment et faites le devoir !
L’impatience du prince, pour 'epouser la princesse, fut telle, qu’`a peine donna-t-il le temps de faire les pr'eparatifs convenables pour cet auguste hym'en'ee. Le roi et la reine, qui 'etaient affol'es de leur belle-fille, lui faisaient mille caresses, et la tenaient incessamment dans leurs bras ; elle avait d'eclar'e qu’elle ne pouvait 'epouser le prince sans le consentement du roi son p`ere : aussi fut-il le premier `a qui on envoya une invitation, sans lui dire qu’elle 'etait l’'epous'ee ; la f'ee des Lilas, qui pr'esidait `a tout, comme de raison, l’avait exig'e, `a cause des cons'equences. Il vint des rois de tous les pays : les uns en chaise `a porteurs, d’autres en cabriolet ; de plus 'eloign'es, mont'es sur des 'el'ephants, sur des tigres, sur des aigles ; mais le plus magnifique et le plus puissant fut le p`ere de l’infante, qui heureusement avait oubli'e son amour d'er'egl'e, et avait 'epous'e une reine veuve, fort belle, dont il n’avait point eu d’enfant. L’infante courut au-devant de lui ; il la reconnut aussit^ot, et l’embrassa avec une grande tendresse, avant qu’elle e^ut le temps de se jeter `a ses genoux. Le roi et la reine lui pr'esent`erent leur fils, qu’il combla d’amiti'es. Les noces se firent avec toute la pompe imaginable. Les jeunes 'epoux, peu sensibles `a ces magnificences, ne virent et ne regard`erent qu’eux.
Le roi, p`ere du prince, fit couronner son fils ce m^eme jour, et, lui baisant la main, le placa sur son tr^one, malgr'e la r'esistance de ce fils si bien n'e : il lui fallut ob'eir. Les f^etes de cet illustre mariage dur`erent pr`es de trois mois ; mais l’amour des deux 'epoux durerait encore, tant ils s’aimaient, s’ils n’'etaient pas morts cent ans apr`es.
16. Reconstituez l’ordre correct des images !
17. Retrouvez les fragments du conte qui conviennent `a six images du tableau ci-dessus !
18. Qu’en pensez-vous, quels fragments du conte peuvent illustrer les autres images ?