Les mentors du Judaïsme en conclurent, alors, que l'argent était le prix du sang et, cherchant à s'en défaire le plus rapidement possible, ils acquirent un champ pour y établir un cimetière d'étrangers, dès lors appelé champ du sang.
L'expression symbolique de ce souvenir est profonde et, à sa lumière, nous devons reconnaître que la majorité des hommes continue à commettre l'acte irréfléchi de Judas en échangeant inconsciemment le Maître pour des espoirs injustes, pour des avantages matériels, pour des privilèges temporaires. Lorsqu'ils constatent l'étendue des erreurs commises, désespérés, ils recherchent les comparses de leurs illusions dans les criminelles actions où ils se sont engagés durant la lutte humaine, et tentent de leur rendre tout ce qui leur appartient. Cependant, avec ces fruits amers ils ne réussissent à peine qu'à acquérir le champ du sang des expiations douloureuses et rudes pour enterrer les cadavres de leurs cauchemars délictueux, étrangers à l'idéal divin de la perfection en Jésus-Christ.
Frère en humanité, toi qui n'a pas encore pu sortir du cycle millénaire des réincarnations dans ta lutte pour enterrer tes crimes passés incompatibles avec la loi éternelle, n'échange pas le Christ impérissable pour une poignée de cendres de misère, car sinon tu resteras circonscrit aux sombres régions de la chair sanglante.
92
Madeleine
La première visite de Jésus après sa résurrection est marquée des faits les plus significatifs de l'Évangile qui invitent à la méditation substantielle et sérieuse. Pour quels motifs profonds le divin Maître aurait-il fait le choix d'apparaître aux yeux de Madeleine en premier lieu, plutôt que d'opter pour ceux qui lui étaient plus proches dans la vie ? Il paraît normal que nous cherchions à comprendre pourquoi le Christ n'est pas plutôt apparu à ce cœur dévoué et aimant qui lui avait servi de Mère ou à ses chers disciples...
Pourtant, le geste de Jésus est profondément symbolique dans son essence
divine.
Parmi les personnages de la Bonne Nouvelle, nul ne se fit autant violence que Madeleine dans son inoubliable entêtement pour suivre le Sauveur. Bien que « morte » aux sensations que la paralysie de l'âme peut produire, il avait suffi d'une rencontre avec le Christ pour qu'elle abandonnât tout et suivît ses pas, fidèle jusqu'au bout dans les actes de négation de sa propre personne et dans sa ferme résolution à porter sa croix au calvaire rédempteur de son existence angoissante.
On peut comprendre que de nombreux étudiants s'interrogent sur la raison pour laquelle le Maître n'est pas apparu en premier à Pierre ou à Jean, à sa Mère ou à ses amis. Cependant, il est aussi légitime de reconnaître qu'à ce geste inoubliable, Jésus a ratifié la leçon que sa doctrine sera pour tous, apprentis et disciples, la règle d'or des vies transformées pour la gloire du bien. Et personne n'avait transformé la sienne à la lumière de l'Évangile rédemptrice comme Marie Madeleine le fit.
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Joie chrétienne
Dans les heures qui précédèrent l'agonie de la croix, les disciples n'arrivaient pas à masquer leur douleur, leur déception. Ils étaient tristes. Comme tout être humain, ils ne comprenaient pas qu'il puisse y avoir d'autres victoires que celles de la terre. Mais avec une vigoureuse sérénité, Jésus les exhorta : « En vérité, en vérité, je vous dis que vous pleurerez et que vous vous lamenterez ; le monde se réjouira et vous serez tristes, mais votre tristesse se convertira en joie. »
À travers les siècles, on vit dans l'Évangile un ensemble d'affligeantes nouvelles - un Sauveur dévoué et pur conduit à la poutre destinée aux infâmes, des disciples dispersés, des persécutions sans nom, des martyres et des larmes pour tous ses disciples...
Néanmoins, le joug pesant des souffrances est à la base d'une vie supérieure pleine de paix et de joie. Ces douleurs représentent l'aide de Dieu à la terre stérile des cœurs humains. Elles viennent comme un engrais divin mêlé aux sentiments des créatures terrestres pour que des bourbiers immondes naissent des lys d'espoir.