Sur terre, les défenseurs inquiets de la politique et de la science prescrivent le repos et le plaisir. Il en résulte que par la suite l'esprit pleure pendant un temps indéterminé, acculé aux sombres extrêmes de sa conscience blessée par des attitudes cri minelles. Pourtant, le Christ avait eu la suprême sagesse d'enseigner l'ordre naturel pour acquérir des joies éternelles. Il avait démontré que satisfaire, sans avertissement ni mesure, les caprices des créatures du monde, dans leur état d'évolution actuel, revenait à déposer des substances dangereuses dans des mains infantiles. De ce fait, les travaux et les sacrifices sont réservés à ses chers compagnons pour qu'ils ne se perdent pas dans l'illusion et arrivent à la vie réelle avec un précieux patrimoine d'édifications stables.
Voilà pourquoi la joie chrétienne ne réside pas dans les plaisirs de l'inconscience, mais dans la sublime certitude que toutes les douleurs sont des chemins qui mènent à des joies immortelles.
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En nous sauvant
Ce cri d'ironie poussé par des hommes malveillants ne cesse de vibrer à travers les siècles.
La créature humaine ne pouvait comprendre le sacrifice du Sauveur. La terre ne connaissait que des vainqueurs qui arrivaient en brandissant des armes, couverts de gloires sanglantes, des héros de la destruction et de la mort à qui on dressait des autels et des monuments en pierre.
Mais ce Messie était loin du modèle courant. Pour conquérir, il donna de sa personne ; afin de posséder, il ne demanda rien aux autres pour lui ; pour enrichir la vie, il se livra à la mort.
Par conséquent, à l'heure extrême, cherchant à interpeller le divin Triomphateur avec des expressions corrosives, les sarcasmes ne manquèrent pas.
À ce témoignage, le Maître nous enseigne que même en nous préservant de la méchanceté et de l'ignorance, nous entendrons le cri de la malice générale.
Par conséquent, lorsque nous nous attardons et restons attachés à l'illusion de la proéminence, quand nous travaillons exclusivement intéressés par notre grandissement temporaire dans la sphère charnelle et que nous oublions les besoins d'autrui, nous sommes toujours considérés par un grand nombre comme privilégiés et victorieux. Mais si nous faisons le choix de réfléchir à nos graves responsabilités dans le monde, on nous traite de fous et, quand on nous surprend à réaliser des expériences élevées, enduites de la douleur sacrée qui nous transporte vers des sphères sublimes, ceux qui nous ont ridiculisés passent près de nous en faisant des gestes ironiques et nous rappellent les hauts principes que nous avons épousés dans notre vie tout en s'exclamant avec dédain : - « Sauve-toi toi-même en descendant de la croix ! »
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L'ami occulte
En route vers Emmaus, amers, les disciples commentaient les terribles événements du Calvaire.
Ils étaient plongés dans la tourmente de l'angoisse. Le doute pénétrait leur âme, les poussant à l'abattement, à des sentiments négatifs.
À ce moment-là, un homme inconnu vint se joindre à eux sur la route. Il ressemblait à un misérable voyageur. Sans s'identifier, il évoqua les vérités des Ecritures, et exalta la croix et la souffrance.
Les deux compagnons, qui s'étaient empêtrés dans des Contradictions ingrates, éprouvèrent une sensation agréable de bien-être en entendant ces propos réconfortants.
Ce ne fut qu'à la fin du voyage, à présent fortifiés dans la douce atmosphère de l'auberge, qu'ils perçurent que l'inconnu était le Maître.
Tous les jours apparaissent des apprentis sur la « route symbolique d'Emmaus ». Touchés par l'Evangile, ils s'étonnent des sacrifices nécessaires à l'illumination spirituelle éternelle. Ils ne comprennent pas le contenu divin de la croix et cherchent de lointains « paysages mentaux »... Néanmoins, il se présente toujours un inconnu pour marcher au côté de ceux qui titubent et s'enfuient. Il prend la forme d'un promeneur incompris, d'un compagnon inattendu, d'un vieillard généreux, d'un enfant timide. Sa voix est différente des autres, ses élucidations plus fermes, ses appels plus doux.
Celui qui, pendant un temps, partage le banquet de la croix ne pourra jamais l'oublier. Très souvent, il s'attardera dans le monde en s'aventurant sur de sombres chemins ; pourtant, l'heure arrivera où, de manière imprévisible, Jésus viendra chercher ces voyageurs égarés et ne les abandonnera pas tant qu'il ne les verra pas dans un climat de confiance, libres et sûrs d'eux.
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La couronne