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Car il n'est point de distance où ton dieu se fatigue de régner. Et d'abord tu le reconnais dans les silex et dans les ronces. Ils sont objets du culte et matériaux de son élévation. Ni plus ni moins que les marches de l'escalier qui mène à la chambre de l'épouse. Ni plus ni moins que les mots quelconques pour le poème. Ils sont ingrédients de ta magie, car, de suer contre ou de t'y écorcher les genoux, tu prépares l'apparition de la ville. Tu trouves déjà qu'ils lui ressemblent, à la façon dont le fruit ressemble au soleil, ou les empreintes dans la glaise à quelque mouvement du cœur du sculpteur qui l'aura pétrie. Tu connais déjà qu'au trentième jour tes silex livreront leur marbre, tes chardons leurs rosés, ton aridité ses fontaines. Comment te lasserais-tu de ta création puisque tu connais que, de pas en pas, tu construis ta ville? Moi, j'ai toujours dit à mes chameliers, quand ils semblaient las, qu'ils bâtissaient une ville aux citernes bleues et qu'ils plantaient des mandariniers à mandarines, ni plus ni moins que des charrieurs de pierres ou des jardiniers. Je leur disais: «Vous faites des gestes de cérémonie. Vous commencez de réveiller la ville absente. A travers vos matériaux vous sculptez dans leur grâce les filles tendres. C'est pourquoi vos silex et vos ronces ont déjà parfum de chair bien-aimée.»


Mais les autres lisent l'usuel. Myopes et le nez contre, ils ne voient du navire que ce clou dans la planche. De la caravane dans le désert ils ne voient que ce pas et ce pas et ce pas. Et toute femme leur est prostituée, car ils se l'accordent comme cadeau et signification de l'instant, alors qu'il eût fallu l'atteindre par la voie des silex et des ronces, par l'approche des palmeraies, par le geste du doigt qui heurte doucement la porte. Lequel, quand on vient de si loin, est miracle pour réveil d'un mort.

Ah! alors seulement elle te sera éclose et ranimée de la poussière du temps, extraite lentement de tes nuits solitaires, parfum qui vient de se délivrer, jeunesse du monde une fois encore pour toi-même recommencée. Et commencera pour vous l'amour. Ceux-là seuls ont reçu quelque récompense des gazelles qui les ont lentement apprivoisées.


J'ai haï leur intelligence qui n'était que de comptable. Et qui n'observait rien sinon le bilan misérable des choses épuisées dans l'instant. Si tu vas le long des remparts tu vois ainsi une pierre, une pierre, une autre pierre. Mais il en est qui ont le sens du temps. Ils ne se heurtent ni contre cette pierre-ci, ni contre cette autre. Ils ne regrettent point telle pierre, ni n'espèrent recevoir leur dû de telle pierre prochaine parmi d'autres. Ils font simplement le tour de la ville.


CLXXXVII


Je suis celui qui habite. Je vous prends nus sur la terre froide.

Ô peuple désolé, égaré dans la nuit, moisissure des craquelures de l'écorce qui retiennent encore un peu d'eau au versant des montagnes, vers le désert.

Je vous ai dit: «Voici Orion et la Grande Ourse et l'Étoile du Nord. Et vous avez reconnu vos étoiles, ainsi vous vous dites l'un à l'autre: voici la Grande Ourse, voici Orion et l'Étoile du Nord» et, de pouvoir vous dire: «J'ai fait sept jours de marche dans la direction de la Grande Ourse» et de vous comprendre l'un l'autre, voici que vous habitez quelque part.

Ainsi du palais de mon père. «Cours, me disait-on quand j'étais enfant, chercher des fruits dans le cellier…» et l'on m'en réveillait, rien qu'à prononcer ce mot, l'odeur. Et je partais vers la patrie des figues mûres.

Et si je te dis «l'Étoile du Nord», te voilà qui vires tout entier, en toi-même, comme orienté, et tu entends le cliquetis d'armes des tribus du Nord.

Et si j'ai choisi la table calcaire de l'Est pour la fête, et la saline du Sud pour les supplices — et si de ce lot de palmiers j'ai fait repos et aubergerie pour les caravanes — alors te voilà qui t'y reconnais dans ta maison.

Tu voulais réduire ce puits à son usage, lequel est de procurer l'eau. Mais l'eau n'est rien qui n'est d'absence d'eau. Et ce n'est point exister encore que de ne point mourir de soif.

Celui-là habitera mieux qui, faute d'eau, sèche dans le désert, et rêvant d'un puits qu'il connaît, dont il entend dans son délire grincer la poulie et craquer la corde, que celui-là qui, de ne point ressentir la soif, ignore simplement qu'il est des puits tendres, vers où conduisent les étoiles.

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