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Bâtir la paix c'est bâtir l'étable assez grande pour que le troupeau entier s'y endorme. C'est bâtir le palais assez vaste pour que tous les hommes s'y puissent rejoindre sans rien abandonner de leurs bagages. Il ne s'agit point de les amputer pour les y faire tenir. Bâtir la paix c'est obtenir de Dieu qu'il prête son manteau de berger pour recevoir les hommes dans toute l'étendue de leurs désirs. Ainsi de la mère qui aime ses fils. Et celui-là timide et tendre. Et l'autre ardent à vivre. Et l'autre peut-être bossu, chétif et malvenu. Mais tous, dans leur diversité, émeuvent son cœur. Et tous, dans la diversité de leur amour, servent sa gloire.

Mais la paix est arbre long à bâtir. Il faut plus de lumière que je n'en ai. Et rien n'est encore évident. Et je choisis et je refuse. Il serait trop facile de faire la paix s'ils étaient déjà semblables.


Ainsi échoua l'habileté de mes généraux car, dans leur solide stupidité, ils me vinrent pour me tenir des raisonnements. Et je me souvenais des paroles de mon père: «L'art du raisonnement qui permet à l'homme de se tromper…»

«Si nos hommes délaissent les charges de l'empire, c'est qu'ils s'amollissent. Nous leur ménagerons donc des embuscades et ils se durciront et l'empire sera sauvé.»

Ainsi parlent les professeurs qui Vont de conséquence en conséquence. Mais la vie est. Comme est l'arbre. Et la tige n'est pas le moyen qu'a trouvé le germe pour devenir branche. Tige, germe et branche ne sont qu'un même épanouissement.

Je les corrigeai donc: «Si nos hommes s'amollissent, c'est que l'empire en eux est mort qui alimentait leur vitalité. Ainsi du cèdre quand il a usé son don de vivre. Il ne change plus la rocaille en cèdre. Et il commence de se disperser dans le désert. Il importe donc pour les animer de les convertir…» Toutefois, dans mon indulgence, les généraux ne pouvant me comprendre, je les laissais jouer leur jeu et ils expédièrent des hommes se faire tuer autour d'un puits que nul ne convoitait car il était sec, mais où, par hasard, campait l'ennemi.

Et certes, est belle la fusillade autour du puits, cette danse autour de la fleur, car celui qui obtient le puits épouse la terre et retrouve le goût des victoires. Et l'ennemi tourne par le revers d'un grand mouvement de corbeaux, quand ta marche les a fait lever, et qu'ils commencent leur orbe, pour se poser là où ils n'auront plus à te craindre. Alors le sable qui les a bus en arrière de toi se charge de poudre. Et tu joues la vie et la mort dans ta virilité. Et tu danses autour d'un centre et tu t'éloignes et tu t'approches de quelque chose.

Et s'il n'est là qu'un puits tari le jeu n'est plus le même. Aussi tu sais qu'il est inutile ce puits et vide de sens comme les dés du jeu quand tu n'engages point sur eux ta fortune. Mes généraux ayant vu les hommes jouer aux dés et s'assassiner pour une fraude, ont cru aux dés. Et ils ont joué du puits comme d'un dé vide. Mais personne n'assassine pour une fraude sur un dé vide.

Mes généraux n'ont jamais très bien compris l'amour.

Car ils voient l'amoureux exalté par l'aube qui lui rapporte en le réveillant son amour. Et ils voient le guerrier exalté par l'aube qui lui rapporte en le réveillant sa victoire en marche. Celle qui déjà s'étire en lui et le fait rire. Et ils croient que l'aube est puissante et non l'amour.

Mais moi je dis qu'il n'est rien à faire sans l'amour. Car le dé t'ennuie qui n'est point chargé d'un sens souhaitable. Et l'aube t'ennuie si simplement elle te fait rentrer dans ta misère. Et la mort pour le puits inutile t'ennuie.

Certes, plus est rude le travail où tu te consumes au nom de l'amour, plus il t'exalte. Plus tu donnes, plus tu grandis. Mais il faut quelqu'un pour recevoir. Et ce n'est point donner que de perdre.

Mes généraux, ayant vu donner avec joie, n'en avaient pas tout simplement déduit qu'il était quelqu'un pour recevoir. Et ils ne comprenaient pas qu'il ne suffit pas pour exalter l'homme de le dépouiller.

Mais ce blessé je le surpris dans son amertume. Et il me dit:

«Je vais mourir, Seigneur. Et j'ai donné mon sang. Et je ne reçois rien en échange. L'ennemi que j'ai étendu d'une balle au ventre avant qu'un autre ne le vengeât, je l'ai observé quand il mourait. Il me sembla qu'il s'accomplissait dans la mort, tout entier donné à ses croyances. Et sa mort fut payante. Quant à moi, pour avoir respecté la consigne qui était de mon caporal et non de quelqu'un d'autre dont l'enrichissement l'eût payé, je meurs avec dignité mais ennui.»

Quant aux autres, ils s'étaient enfuis.


XVIII


Et c'est pourquoi ce soir-là, du haut du roc noir que je gravis, je considérai les taches noires de mon campement dans l'étendue, toujours formé selon la figuré triangulaire, toujours orné de sentinelles aux trois sommets, toujours doté de fusils et de poudre, et cependant près d'être soufflé et dispersé et répandu comme l'arbre mort, et je pardonnai aux hommes.

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