Garde blanche, haute est ta destineґe:Le trou noir vise ta poitrine et ta tempe.Tu combats pour Dieu, ta cause est juste:Le sable engloutira ton corps douloureux et pur.Ce n’est pas un vol de cygnes dans le ciel:C’est la sainte force blanche qui s’efface,Qui s’efface comme une vision blanche...Dernier re ve — de l’ancien monde:Vaillance, — Jeunesse, — Vendeґe, — Don.Celui qui en reґchappe — va mourir, celui qui en meurt — revivra.Et puis les descendants, au souvenir de ces temps anciens:— Ou` eґtiez-vous? — La question, comme un coup de tonnerre,Et la reґponse, comme un coup de tonnerre — sur le Don!— Qu’avez-vous fait? — Nous avons souffert dans les tourments,Puis, fatigueґs, — nous nous sommes coucheґs pour dormir.Et, dans le dictionnaire, les petits enfants re veursApre`s le mot: devoir, eґcriront le mot: DON...Difficile et miraculeuse — fideґliteґ jusqu’a` la mort!La magnificence des tzars — au sie`cle des places envahies!Ames reґsistantes, poitrines reґsistantes, —Ou` e tes-vous, hommes des temps anciens?!La licence, comme un Tatar roux, deґvasteEt reґduit en poussie`re l’autel et le tro ne.Au-dessus des cendres — les clameurs du festinDe soldats deґserteurs et de femmes adulte`res.Je rentre a` la maison — non comme un imposteur,Et non comme une servante — je n’ai pas besoin de pain.Moi — ta passion, ton repos du dimanche,Ton septie`me jour, ton septie`me ciel.La`-bas, sur terre, on me donnait des pie`ces,On attachait des meules de pierre a` mon cou.— Mon bien-aimeґ! — Pourrais-tu ne pas me reconnatre?Moi, — ton hirondelle — ta Psycheґ!Recois, ma douceur, des guenillesQui furent autrefois une chair deґlicate.Tout est useґ, tout est deґchireґ, —Seules restent encore les deux ailes.Reve ts-moi de ta splendeur,Pardonne-moi, sauve-moi, maisLes pauvres haillons en poussie`re —Porte-les a` la sacristie.Je te raconterai — la grande duperie:Je te raconterai le brouillard, quand il tombeSur les jeunes arbres et sur les vieilles souches.Je te raconterai les lumie`res qui s’eґteignentDans les petites maisons — et le tzigane — eґtrangerVenu des lointains eґgyptiens — qui souffle dans son roseau.Je te raconterai — le grand mensonge:Je te raconterai le couteau, serreґ entre des doigtsEtroits, — les boucles des jeunes et la barbe des vieux,Souleveґes par le vent des sie`cles.Et la rumeur du sie`cle.Et les bruits des fers, sous les sabots.On frappe prudemment trois fois.Tendre ennemi, ami peu su r, — TuNe me tromperas pas! Tu n’es pas un pe`lerinAu terme de sa route. — C’est ainsiQu’on frappe au cur — pour l’amour.C’est ainsi que l’Enfer noirBaisse les yeux pour frapper au Paradis.Je suis. Tu — seras. Entre nous — un gouffre.Je bois. Tu as soif. S’entendre — en vain.Dix ans, cent milleґnaires nous seґparent. —Dieu ne ba tit pas de ponts.Sois! — C’est mon commandement.Laisse-moi passer, je n’eґcraserai pas les jeunes pousses.Je suis. Tu — seras. Dans dix printemps, tu diras:— Je suis! Moi, je dirai: — C’est trop tard.Je mourrai, et ne dirai pas: j’ai e ґ te ґ . SansMe plaindre, et sans chercher de coupables. Il estAu monde des choses plus seґrieuses que les oragesPassionnels et les hauts faits de l’amour.Toi, tu cognais de l’aile a` ma poitrine,Jeune coupable de mon inspiration —Moi — je te l’ordonne: — Sois!Moi, et sans sortir de la soumission.Ces mains, dont l’amoureux n’a pas besoin,Servent — le Monde. Et la LyreNous couronne de ce titre glorieux:Epouse du Monde.Beaucoup ne sont pas convieґs au festin royal, —Il leur faut alors, pour tout souper, un chant!L’amant n’est pas eґternel, le Monde est eґternel.On ne le sert pas en vain.La Blancheur menace la Noirceur.Le temple blanc menace tombeaux et tonnerre.Le juste pa le menace Sodome, non pasDe son glaive — mais du lys de son bouclier!Blancheur! Cercle symbolique!Cuves baptismales! Cheveux blancs fatidiques!Et les vilains reconnatront leur seigneurA la fleur qui fleurit de ses mains.Le loup — n’a peur que de l’agneau, etLa forteresse ne se rend qu’a` un ange.Festoiements — dans les caves et les sentines!Il gagne la capitale, le reґgiment blanc!Ma journeґe, le deґsordre et l’absurde:Au pauvre, je reґclame du pain,Au riche, je donne, pour sa pauvreteґ!J’enfile dans l’aiguille — une lueur,Au voleur, j’offre — la clef,Je mets du blanc sur ma pa leur.Le pauvre ne me donne pas de pain,Le riche n’accepte pas mon argent,La lueur ne passe pas dans l’aiguille.Le voleur entre sans la clef,Et l’idiote pleure a` chaudes larmes —Ce jour sans gloire, ce jour inutile.— Ou` sont les cygnes? — Et les cygnes sont partis.— Et les corbeaux? — Et les corbeaux sont resteґs.— Ou` sont-ils partis? — La` ou` sont les grues.— Pourquoi sont-ils partis? — Pour ne pas perdre leurs plumes.— Et papa, ou` est-il? — Dors, dors, le Sommeil,Sur son cheval des steppes va venir nous chercher. —— Ou` nous emme`nera-t-il? — Sur le Don des cygnes,— La`, j’ai, tu le sais! — un cygne blanc.Les poe`mes poussent,des eґtoiles,des roses,Et de la beauteґ— inutiles pour la vie familiale.Quant aux couronneset aux apotheґoses —Une seule reґponse:— d’ou` cela me vient-il?Nous dormons —et puis, au travers des dalles de pierre,L’ho te ceґlesteavec ses quatre peґtales.O monde, comprends!Le chantre — dans son sommeil —Deґcouvre les lois de l’eґtoileet la formule de la fleur — .Chaque poe`me — un enfant de l’amour,Un enfant eґternel, deґmuni de tout.Un premier-neґ — poseґ pre`sDe l’ornie`re, en plein vent.L’enfer au cur, l’autel au cur,— Le paradis et la honte. — QuiEst le pe`re? Un tzar, peut-e tre?Peut-e tre un tzar — peut-e tre un voleur.Il nous faut courageusement l’avouer, Lyre!Nous avions du gou t pour les grands de ce monde:Pour les ma tures et les drapeaux, les eґglises, les tzars,Les bardes, les heґros, les aigles et les vieillards,Quand on jure fideґliteґ aux royaumes,On ne confie pas le Pavillon a` tous les vents.Tu connais le tzar — reste a` distance du piqueur!La fideґliteґ nous tenait comme un grappin:Fideґliteґ a` la grandeur — a` la faute — au malheur,Fideґliteґ a` la grande faute de la couronne!Quand on jure fideґlite au — Khan,On ne jure pas obeґissance a` la horde.En ce sie`cle, nous n’avons trouveґ que du vent, Lyre!Le vent a mis en lambeaux les tuniques, etLe dernier chiffon flotte sur le Pavillon...De nouvelles foules, pour de nouveaux drapeaux!Nous, nous resterons fide`les a` nos serments,Car ce sont de mauvais chefs, les vents.Si l’a me est neґe avec des ailesQue lui importe les palais et les masures!Que lui importe Gengis-Khan ou la horde!J’ai deux ennemis, ici-bas,Deux jumeaux — inseґparables:La faim des affameґs — et la richesse des riches.Je ne te ge ne pas, je ne te donnePas un poison de femme.Je te donne ma main fide`le —La droite, celle qui eґcrit.Celle avec laquelle je beґnis,Pour la nuit — ma fille cheґrie.Celle avec laquelle j’eґcrisCe que Dieu me commande.La gauche — est impertinente,Maligne, astucieuse; tiens,Je te donne ma main — ma mainDroite, celle qui est juste.Pour toi, je noie dans un verreUne poigneґe de cheveux bru leґs.Tu ne mangeras plus, tu ne chanteras plus,Ne boiras plus, ne dormiras plus.Pour que ta jeunesse — soit sans joie,Pour que ton sucre — soit sans douceur,Pour que la nuit c a ne marche pas, dans le noir,Avec ta jeune eґpouse.Comme l’or de mes cheveux estDevenu cendre grise, les anneґesDe ta jeunesse deviendrontBlanches comme l’hiver.Tu seras aveugle, — sourd,Tu te desseґcheras, — comme la mousse,Tu expireras, — comme un soupir.Tzar, Dieu! Pardonnez aux faibles —Aux petits, — aux naїfs, — aux peґcheurs, — aux extravagants,Entraneґs dans l’horrible tourmente,Seґduits, trompeґs, —Tzar, Dieu! Dans l’atroce supplice,Ne tuez pas Stenka Razine!Tzar! Dieu te le rendra! Nous avonsEu assez de cris d’orphelins! AssezDe morts! — Fils de tzar,Pardonne au Brigand!Vers la maison paternelle — les chemins sont divers!Gra ce pour Stenka Razine!Razine! Razine! Ton histoire est termineґe!L’animal rouge mateґ, attacheґ.Ses dents horribles briseґes.Mais pour sa vie, sa sombre vieEt pour sa bravoure absurde,Libeґrez Stenka Razine!Patrie! Source et embouchure!Et quelle joie! De nouveau c a sent la Russie!Etincelez, yeux ternis!Reґjouis-toi, cur russe!Tzar, Dieu! C’est la fe te:Libeґrez Stenka Razine!