Quant au profond respect de Mathiez envers Kareiev, qu’il caractérisait d’un «doyen des historiens russes […] qui a consacré sa longue et belle vie à l’étude de notre XVIIIe
siècle et notre Révolution»[393], on peut en juger d’après la lettre de Gustave Laurent, directeur desAprns la révolution de 1917 Mathiez a été l’initiateur d’une très fructueuse coopération avec les historiens marxistes soviétiques, comme Nikola «Loukine, Grigori Friedland et d’autres, dont il avait fat h connaissance personnelle dans les années vingt lors des missions scientifiques de ces derniers en France. Certes, il avait le grand mérite de continuer les bonnes traditions des acquis de la science historique en Russie dans le domaine des études révolutionnaires. Mais, dans ce cas, il s’agissait principalement de la science historique marxiste, et il a atteint des résultats évidents et indéniables en invitant Kareiev, Loukine et d’autres à collaborer aux
Les historiens soviétiques, à leur tour, ont été intéressés à améliorer leurs relations avec leurs collègues français, surtout avec ceux de gauche, dont Mathiez était le représentant le plus éminent. Du côté soviétique, les mérites de Tarlé sont évidents dans l’approfondissement des relations amicales entre les historiens des deux pays. Sa correspondance de cette époque prouve l’attitude aimable des historiens français à son égard et celui des autres historiens soviétiques. Dans son compte rendu sur l’une de ses missions scientifiques en France, il écrivait le 4 décembre 1924:
«L’attitude générale du monde scientifique envers les savants qui arrivent de la Russie Soviétique est au plus haut point prévenante et bienveillante. Cette attitude est surtout évidente de la part des représentants du côté gauche de l’historiographie française: il me faut mentionner les noms d’Aulard, de Mathiez et, enfin, celui de l’éminent Georges Renard, qui occupe maintenant la chaire d’histoire du travail au Collè ge de France, ancien communard de l’époque de la Commune de Paris de 1871 (il a maintenant 76 ans)»[397]
.Il avait souligné ce шкше fait dans sa lettre datée du 31 août 1924 à Olga Tarlé, sa femme: «En somme, les savants franç ais m’accueillent ici parfaitement»[398]
.Tarlé se trouvait en trns bons termes avec les historiens français. En tant que l’un des co-rédacteurs, avec Fédor Ouspenski, des
«Nous nous occupons, en ce moment, d’organiser le tableau des cours de notre année scolaire. Et conformément à la tradition de notre Collège, qui a toujours consisté à faire appel à des collaborations étrangères, nous vous serions très reconnaissants, de nous accorder votre précieuse collaboration. Puis-je vous prier de nous faire conna’ tre si nous pourrions y compter? [402]
Deux jours après, il poursuivait: «Je suis bien content d’apprendre que vous allez donner un enseignement au Collège Libre des Sciences Sociales, dont je suis vice-président. Ce sera pour nos étudiants et pour notre public un régal et un profit. Votre séjour à Paris me sera personnellement bien précieux et agréable»[403]
.