Il est ridicule de penser que les historiens marxistes soviétiques n’aient pas remarqué l’appui de Mathiez à Tarlé, leur «adversaire» qu’ils considéraient non seulement comme un «historien bourgeois», mais aussi un «contre révolutionnaire», un participant «au complot monarchique contre le pouvoir soviétique»[432]
, un «ennemi de classe sur le front historique»[433], etc. À mon sens, ce fut cette démarche de Mathiez, à laquelle ses opposants faisaient toujours allusion dans leurs articles publiés contre lui dans les revues soviétiques ainsi que dans leurs discours[434], qui est devenue la cause principale de cette polémique aigu‘ entre lui et les historiens soviétiques, dont les germes sont apparues en 1930, aprns la publication par Mathiez de l’article de l’historien soviétique Mikhad Bouchmakine dans lesLe 12 décembre 1930, Loukine et ses élèves, Rebeka Awerbuch, Victor Daline, Natalia Frei «berg, Solomon Kounisski, Serge «Monosov, Jakov Starosselski, I. Zavitnévitch adressèrent une lettre ouverte à Mathiez, en critiquant son changement d’attitude envers l’URSS et la science historique soviétique[439]
. Cette lettre fut suivie d’articles très critiques de Loukine et de quelques-uns de ses élèves, remplis d’accusations politiques nullement justifiées, dont ils chargeaient sans cesse Mathiez[440]. Ces critiques mettaient en relation l’évolution de ses vues avec les succès de l’édification du socialisme en URSS, qui, ayant suscité de la haine dans les pays capitalistes, avait laissé, d’après eux, une empreinte négative sur la mentalité et la conduite de la petite bourgeoisie, dont ils n’hésitaient point à présenter Mathiez comme le «représentant typique»[441]. Notons en outre que celui-ci ne qualifiait pas le terme «petite bourgeoisie» de «très clair», en reprochant à ses opposants d’en avoir abusé[442]. Donc, les admirateurs d’hier de Mathiez l’accusèrent d’avoir adhéré au «chnur antisoviétique général», d’être passé dans le camp des ennemis de l’URSS et d’avoir rendu service à l’impérialisme français[443].Au cours de cette polémique, qui n’était point scientifique[444]
, Mathiez, devenu la bête noire de ses collègues soviétiques, a entièrement réfuté toutes les accusations politiques portées contre lui. Il avait indubitablement raison d’avoir donné une appréciation exacte de la situation déplorable dans laquelle se trouvait alors la science historique soviétique, car il ne doutait plus que «la méthode de beaucoup d’historiens russes d’aujourd’hui […] consiste en un mot à subordonner la science historique, qui n’est que l’interprétation des textes, à un dogme