Читаем L'Empire des anges полностью

«Je suis veuve et j'ai suivi mon mari jusqu 'à ses derniers jours. Cela s'est passé en cinq phases. Au début, il refusait de mourir. Il exigeait que notre existence continue tout comme avant et il parlait de son retour à la maison après sa guérison. Ensuite, quand les médecins lui ont dit qu'il était condamné, il est entré dans une grande colère. On aurait dit qu 'il lui fallait un coupable. Il a accusé le médecin qui s'occupait de lui d'être un incapable. Il m'a accusée de l'avoir placé dans un mauvais hôpital. Il m'a accusée d'en vouloir à son argent et de l'avoir fait exprès pour toucher l'héritage au plus vite. Il reprochait à tout le monde de l'abandonner et de ne pas venir le voir assez souvent. Il faut dire qu'il était tellement désagréable que même les enfants traînaient les pieds. Et puis, il s'est calmé et est entré dans une troisième phase qu 'on pourrait qualifier de "phase du marchand de tapis". C'était comme s'il marchandait: bon, je suis condamné mais je voudrais bien tenir jusqu 'à mon prochain anniversaire ou, en tout cas, j'aimerais bien tenir jusqu 'au prochain Mondial de football. Que je voie la demi-finale. Ou tout au moins les quarts de finale.

Quand il a compris que c'était vraiment fichu, il a fait une dépression. Ça a été terrible. Il ne voulait plus parler, il ne voulait plus manger. C'était comme si sou dain il avait renoncé à tout. Il ne se battait plus, il avait perdu toute énergie. Il ressemblait à un boxeur sonné qui a abandonné sa garde et qui s'affale dans les cordes en attendant le coup de grâce.

Enfin, il est entré dans la cinquième phase: l'acceptation. Il a retrouvé le sourire. Il a réclamé un baladeur pour écouter ses musiques favorites. Il aimait tout particulièrement les Doors, ça lui rappelait sa jeunesse. Il est mort presque souriant, casque sur la tête, en écoutant: Hère is the end.»

Source: individu interrogé dans la rue au hasard d'un microtrottoir.

… le monde rouge de mes fantasmes après le monde bleu de l'entrée et le monde noir de la peur. Y sont matérialisés mes désirs les plus fripons.

Je suis au Troisième Ciel. Sensation de plaisir, de feu, de chaleur humide. Volupté. Confrontation avec mes fantasmes sexuels les plus extravagants, mes appétits les plus refoulés. Je m'y embourbe un peu. Des scènes particulièrement excitantes se projettent dans mon esprit. Les actrices les plus sexy et les top-models les plus aguicheurs m'implorent de les enlacer.

Ma femme et mon ex-maîtresse affrontent de leur côté de beaux éphèbes.

J'ai envie de rester ici mais je me reconcentre sur la lumière centrale comme un plongeur sous-marin soucieux de ne pas s'éloigner de sa corde. Je franchis ainsi Moch 3.

«La mort, on voudrait que ça n 'existe pas. Mais en fait, heureusement qu'elle existe, si vous voulez mon avis. Car la pire chose qui puisse nous arriver serait d'être éternels. Qu'est-ce qu'on s'ennuierait, vous ne croyez pas?»

Source: individu interrogé dans la rue au hasard d'un microtrottoir.

Quatrième Ciel: le territoire orange. Le territoire où l'on subit la douleur du temps qui passe. Vision d'une file de défunts s'étendant à l'infini par-delà l'horizon, à peine plus agitée qu'une queue à l'entrée d'un cinéma.

À en croire leurs vêtements, certains semblent patienter là depuis des siècles. À moins que ce ne soit tous les figurants d'un film-catastrophe, victimes d'un accident de tournage, il est évident que piétinent ici des morts très anciens.

Ils attendent.

Перейти на страницу:
Нет соединения с сервером, попробуйте зайти чуть позже