Je me sens abandonné, Mona Lisa aussi. Nous commencions à nous habituer à cette présence furtive.
Je passe à nouveau du temps enfermé à lire dans les W-C.
Gwendoline ne tarde pas à me téléphoner pour me tenir informé de son bonheur: «J'ai trouvé l'homme qu'il me faut. Jean-Benoît est parfait.» Et puis, ça se gâte. «Il est devenu fou furieux quand il a appris que je t'appelais.»
Pourtant, elle appelle toujours. Quelques écailles lui sont tombées des yeux. Elle pense que son psychiatre souffre d'un complexe d'infériorité en raison de sa petite taille. Il en veut à tous les gens plus grands que lui. Comme il est spécialiste en spasmophilie, il a affaire généralement à des clientes déprimées et faciles à manipuler. Il s'amuse à interférer dans leur vie pour voir jusqu'où va son pouvoir de manipulation. Après plusieurs tentatives de suicide de patientes, les familles ont demandé qu'il soit rayé de l'Ordre. Mais comme il est ami du ministre de la Santé, personne n'a pu l'inquiéter.
Un jour, par hasard, je rencontre Gwendoline dans la rue, elle se rendait au pressing pour déposer des vestes de Jean-Benoît. Elle a un bras en écharpe. Son visage est émacié. Elle dissimule un œil au beurre noir sous des lunettes de soleil.
Elle me voit. D'abord, elle veut me fuir, puis elle se ressaisit. Elle me touche doucement la main. Enfin, elle sourit et dit:
– Tu ne peux pas comprendre, c'est l'amour. Dupuis m'aime tellement.
Puis elle déguerpit.
Après ça, je n'ai plus eu de nouvelles de Gwendoline.
Cette histoire me perturbe.
Je me lance dans ma fuite habituelle, l'écriture: la suite des
Cela me fait un drôle d'effet, perdre ma fiancée et perdre tous mes chantiers, c'est mourir un peu. Je décide de renaître et, derechef, je recommence à écrire. Il me vient l'idée d'un personnage supplémentaire, une représentation de Dupuis.
Après tout, c'est la première fois que mon chemin croise celui d'un vrai «méchant». Alfred Hitchcock le soulignait, ce qui fait la valeur d'une histoire, c'est la qualité du méchant. Avec Dupuis, je tiens un anti-héros d'autant plus crédible qu'il existe vraiment. Je l'introduis dans mon
J'écris assidûment, mais je ne sais pas pourquoi cette histoire n'en finit pas de me tourmenter. Avec Gwen-doline, j’ai pris conscience qu'il est impossible d'aider les autres malgré eux, et cette révélation me navre. J'écris mais je commence à traverser une nouvelle crise de défaitisme. Comme d'habitude ça me fait du mal à retardement. Ça me fait même oublier mon plaisir d'être bientôt publié.
Je m'enferme dans les W-C et, au lieu de lire, je rumine: «À quoi bon?» Je crois que je n'ai pas réalisé le souhait de Mlle Van Lysebeth, je n'ai pas trouvé ma place. Peut-être que je suis complètement à côté de ma mission… et pas du tout écrivain. À quoi bon insister?…
147. ENCYCLOPEDIE
CHACUN SA PLACE: Selon le sociologue Philippe Peissel, les caractères féminins présentent quatre tendances:
1 - les mères,
2 - les amantes,
3 - les guerrières,
4 - les initiatrices.
Les mères accordent par prédilection l'importance au fait de fonder une famille, avoir des enfants et les élever.
Les amantes aiment séduire et vivre de grandes histoires passionnelles.
Les guerrières veulent conquérir des territoires de pouvoir, s'engager pour des causes ou des enjeux politiques.
Les initiatrices sont les femmes tournées vers l'art, la spiritualité ou la guérison. Elles seront d'excellentes muses, éducatrices, doctoresses. C'étaient jadis les vestales.
Pour chaque personne, ces tendances sont plus ou moins développées.